Miniature du 13ème siècle
Une représentation inattendue des rois mages …
« Ils furent divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode » (Mt 2, 12)
Avec beaucoup de joie, nous célébrons ce dimanche l’Epiphanie du Seigneur, mot grec qui veut dire « Manifestation ». Jésus est venu se manifester parmi nous. Depuis que Matthieu a mis par écrit ce récit des rois mages, la tradition a reconnu cet épisode comme le signe de l’ouverture du message de Jésus à toute l’humanité, à tous les peuples de la terre.
Les lectures que la liturgie nous propose signalent l’universalité du plan de Dieu. Les prophètes l’ont annoncé : « Les peuples afflueront vers le mont Sion ». Isaïe nous dit aujourd’hui : « Resplendis, Jérusalem ». « La lumière se lève sur l’obscurité ». Saint Paul complètera : « Tous les hommes sont appelés à former un seul corps dans le Christ ». Et Isaïe d’ajouter encore : « Les nations marcheront vers la lumière ». Et le psaume chante, comme en écho : « Tous les pays le serviront ». Et à nouveau saint Paul : « Les portes de l’Eglise sont ouvertes à tous les païens ». Ce petit enfant qui vient de naître, ouvre l’accès de la promesse. Nous sommes tous fils et filles de Dieu, donc, héritiers de son Royaume.
Des rois mages venus de l’Orient ! Le récit de Matthieu est une grande parabole, un midrash, comme on dit en hébreu, plein d’enseignements.
Des rois mages venus de l’Orient ! Là où le soleil se lève : « Soleil levant, lumière d’en haut sur ceux de la ténèbre », chante Zacharie, le père de Jean Baptiste.
La visite des rois mages a accompagné et a séduit la communauté des croyants depuis toujours. Au fil du temps, le récit a été enjolivé. L’évangile, en effet, ne dit pas qu’ils étaient rois. On ne sait pas non plus combien ils étaient. On leur a donné des noms : Melchior, Gaspard et Balthazar. Et même, leurs reliques reposent non loin d’ici, à la cathédrale de Cologne, dans une splendide châsse. On les a fait venir sur des chameaux et on les a représentés appartenant chacun à des races différentes.
Ce que le texte nous dit, c’est qu’ils étaient des mages païens et qu’ils apportèrent trois cadeaux. Comme l’interprétera la tradition patristique, ils offrent à Jésus qui vient de naître, de l’or, cadeau pour un roi, de l’encens, comme on en honore Dieu, et de la myrrhe, symbole de l’homme mortel. Trois cadeaux, fruit du travail de l’humanité, tiré du monde minéral et végétal.
Les rois mages arrivent à Jérusalem, car peut-être, dans leur logique, un roi doit naître à la capitale, dans un palais. En tout cas, leur arrivée créée un grande émotion, nous dit le texte, une crainte : Hérode a peur de la présence d’un concurrent. Ce sentiment d’insécurité s’amplifie et se répand sur tout Jérusalem. Hérode fait convoquer les prêtres et les scribes qui lisent les Ecritures. Conclusion : le berger du peuple d’Israël devrait naître à Bethlehem. Est-ce que les rois mages font un détour par Jérusalem parce que l’étoile qui les guidait ne suffisait pas ? Leur fallait-il une confirmation par les Ecritures ?
Les rois mages nous apprennent que la vie est un chemin de recherche de l’absolu, que la parole inspirée par Dieu est une étoile sûre, « une lampe pour nos pas ». Ils arrivent dans une étable, devant un nouveau-né entouré de Marie et de Joseph, de bergers et de moutons, car notre sauveur sent la brebis. Un cadre tout à fait différent du palais auquel ils avaient pensé. Ils se laissent surprendre. Ils entendent et voient avec les oreilles et les yeux de la foi, ils regardent au-delà des apparences.
Avertis par un songe, ils regagnent leur pays par un autre chemin. Avertis par un songe, car ils sont les destinataires du cinquième songe dont parle Matthieu. Les quatre autres s’adressaient à Joseph. Dieu leur demande donc de partir par un autre chemin. Une lecture spirituelle nous dit qu’après toute rencontre avec le Seigneur, tout chercheur de Dieu est invité à suivre un autre chemin, en accord avec la tradition biblique qui nous précise qu’il faut choisir entre deux chemins, le premier, qui conduit à la vie, et le second, peut-être plus large, qui conduit à la mort.
La liturgie nous a invités pendant les quatre semaines de l’avent à nous lever, à accompagner Marie et Joseph depuis Nazareth en Galilée jusqu’à Bethlehem en Judée, en pèlerinage de renaissance et d’enfantement de Dieu en nous. Et maintenant, comme nous le rappelle le songe des rois mages, nous sommes invités à suivre un autre chemin, un chemin de vie, où le Seigneur nous accompagne, lui, la lampe pour nos pas, la lumière dans nos ténèbres, chemin de conversion, accomplissement du rêve de Dieu pour nous.
Levons-nous donc et partons, éclairés par l’étoile que Dieu a mise dans nos cœurs.
Fr. Manuel Akamine
Lectures de la messe :
Is 60, 1-6
Ps 71
Ep 3, 2-3a.5-6
Mt 2, 1-12