Vincent Van Gogh
Semeur au soleil couchant
Le semeur est sorti pour semer. Le Verbe s’est fait chair. Dieu parle à hauteur d’homme. Sa Parole éternelle a fécondé notre terre.
De même que la pluie des jours derniers a été bienfaisante, la Parole de Dieu tombe sur les bons comme sur les mauvais terrains, tout comme le soleil brille pour les justes et pour les coupables.
Cette parole divine est d’une générosité incroyable. Elle s’adresse aux endurcis, aux hors-la-loi, aux étourdis, aux cœurs étouffés par les soucis de la vie ou le culte du dieu Argent… La semence tombe sur tous les terrains : une telle naïveté ferait bondir d’horreur tous les cultivateurs !
Par bonheur, la Parole de Dieu trouve aussi des terrains favorables. Seraient-ce les nôtres ? « Lorsqu’on lit dans l’Eglise la Sainte Ecriture, c’est Dieu lui-même qui parle à son peuple, et c’est le Christ, présent dans sa parole,qui annonce l’Evangile » (Présentation générale du missel romain n° 29)
Sommes-nous conscients de notre bonheur : que Jésus nous parle aujourd’hui ? C’est une merveille extraordinaire qu’à travers vingt siècles lourds d’infidélités, de lâchetés, de falsifications de toutes sortes par ceux-là même qui en étaient porteurs, la parole du Christ nous parvienne encore aujourd’hui dans toute sa fraîcheur et toute sa force. Et non seulement à nous qui sommes rassemblés dans cette église, mais à beaucoup d’autres qui n’y mettent jamais les pieds et qui pourtant ont entendu parler de ce Jésus de Nazareth qu’ils respectent et dont ils apprécient le message, à défaut d’y adhérer dans tous leurs actes.
Fécondité de la Parole ! Alors que la parole- avec un petit p = les mots de tous les jours, mais aussi la parole donnée dans un discours ou un commerce – cette parole est si souvent galvaudée de nos jours, et la parole déversée sur les réseaux dits sociaux n’est pas davantage digne de confiance… malgré tout cela, cette Parole de Dieu si ancienne et toujours nouvelle a produit au cours des siècles et continue à produire aujourd’hui tant de fruits de générosité, de compassion, de miséricorde, de bienveillance, de souci de l’autre, en un mot : tant d’amour gratuit ! Y compris dans notre monde bouleversé.
Ainsi j’ai trouvé la semaine dernière sur internet le message d’un ancien djihadiste d’Afrique du Nord. En s’engageant dans le groupe Etat Islamique, il voulait plaire à Dieu. Puis il a cherché à en savoir plus sur ceux qu’il aurait été amené à tuer, les chrétiens. Et il a trouvé ceci : « même dans une mauvaise situation, tu sais que Jésus t’aime ». Tandis que, dit-il, « le Dieu de l’Islam n’est jamais content de toi ». N’est-ce pas là une sorte de conversion à la manière d’un certain Saul de Tarse, qui persécutait les chrétiens avant de leur écrire ce que nous venons d’entendre : « nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint… et la création tout entière elle aussi attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. Elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule, nous aussi nous gémissons… »
Les mamans qui sont ici savent mieux que moi l’espérance, la souffrance et la joie d’un enfantement. Ce que saint Paul dans sa grandiose vision entrevoit pour toute la création, nous en ressentons aussi l’espérance et les douleurs pour la création dans son ensemble, menacée par les imprudences de l’homme, mais nous le ressentons également pour notre foi. La transmission de l’Evangile paraît compromise chez nous, quand nous regardons le nombre des vocations religieuses ou le vieillissement de nos assemblées dominicales (« de vergrijzing »…). Et pourtant, comme disait déjà le prophète dans une situation bien pire que la nôtre : « ma parole qui sort de ma bouche ne me reviendra pas sans résultat ».
Si nous doutons de l’avenir de la foi chrétienne, prenons exemple sur Marie : « que tout m’advienne selon ta parole ». Ecoutons Jésus : « Heureux les yeux qui me voient et les oreilles qui m’entendent… Heureux ceux qui croient sans avoir vu… »
Le semeur est sorti pour semer. Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent !
Abbé René Rouschop
Lectures de la messe :
Is 55, 10-11
Ps 64
Rm 8, 18-23
Mt 13, 1-23