La première lecture fait écho au bouleversement profond provoqué chez les Apôtres et chez les membres de la famille après le départ de Jésus. Dans la seconde lecture, dans la lettre de Pierre, nous devinons que sa communauté a été persécutée et qu’il a fallu l’encourager, la soutenir face à l’épreuve. Vous pourriez me dire, que cela c’est du passé, aujourd’hui dépassé ! Pas plus tard, qu’il y a quelques semaines, une dame me décrivait son désarroi face à la souffrance et à la révolte de son époux terrassé par la maladie. La semaine dernière, un ami m’exprimait son angoisse car sa petite-fille, née prématurément devait subir une deuxième opération à l’intestin. Puis, ce fut la rencontre de grands-parents inquiets par les difficultés rencontrées par l’un de leurs petits-fils en blocus.

Nous trouvons étranges ces brasiers allumés parmi nous, mettant ainsi notre foi à rude épreuve ! Je le reconnais cela m’affecte et je suppose qu’il en est de même pour vous et pour les communautés chrétiennes d’hier et d’aujourd’hui ébranlées par la violence.

De tels événements nous troublent et suscitent des sentiments de révolte, d’impuissance, de peur, de doute, de culpabilité. « Qu’avons-nous fait de mal pour être punis de la sorte? » De tels événements nous ébranlent et nous posent question : « Dieu existe-t-il vraiment ? Pourquoi laisse-t-il faire ? Est-il un père ou un juge qui se contente de punir ? Questions déjà posées par les amis de Job ! Les valeurs prônées par certains courants du monde actuel ne nous aident pas à renforcer notre foi ! Ainsi, être croyants, être croyants pratiquants ne met pas à l’abri des épreuves. Or pour les Apôtres comme pour nous, cela ne semble pas normal !

A sa communauté confrontée aux épreuves et tentée de renier sa foi, Pierre lui rappelle qu’à la suite du Christ, les épreuves ne sont pas étrangères à la vie du croyant. Certes elles embrument son regard ! Mais Pierre encourage ses proches à les vivre en communion avec les souffrances du Christ. Facile à dire, me direz-vous ! Surtout, à ne surtout pas dire, me semble-t-il, à celui qui souffre, qui vit la révolte, le questionnement. Ce qui me guide en parelles circonstances c’est plutôt de mettre mes pas dans ceux de Jésus. A sa suite, entendre, ressentir la souffrance, la révolte et l’impuissance qui me sont partagées ! Non pas occulter mon impuissance derrière une belle parole ou des formules pieuses, comme on le suggère parfois en milieu chrétien ! Avec Jésus être et rester là essayant d’être présent, comme Jésus le fut pour la veuve de Naïm accompagnant son fils mort ! Etre là, comme Jésus, allant à la rencontre de la Samaritaine interpellée par sa demande d’eau, par ses réflexions et finissant par lui ouvrir son cœur si souvent déçu et blessé.

Être et rester là, touché dans mes entrailles sans être submergé, invitant à la suite de Jésus à accueillir le regard d’un Autre, à changer mon regard au contact de cet Autre plus grand que moi, révélé aujourd’hui à travers la méditation des Ecritures. Certes mon regard comme le regard des premiers chrétiens est parfois embué par les échecs et les blessures qu’ils suscitent, les peurs face à la violence. Force est de constater que cela est vrai dans notre regard sur nous-mêmes, sur les événements, sur Dieu. La prière personnelle et communautaire devient alors lieu de résistance à la désespérance, à l’angoisse qui risque de m’emporter ! N’en fut-il pas ainsi pour Marie accompagnée de quelques femmes, des Apôtres et de frères de Jésus, assidus à la prière dans la chambre haute ?

Confrontés à pareilles situations, la question qui nous est alors posée est la suivante : « Quel est le visage de celui en qui nous avons mis notre confiance ? »

Peu importe si nous nous sommes parfois fourvoyés, si un jour nous lui avons fait des reproches parce ce qu’il n’avait pas répondu à nos demandes, si son apparente impuissance nous désarçonne, s’il invite au pardon alors que nous préférons la vengeance… Selon Jésus tout cela évoque de fausses images de Dieu. Car le Dieu qu’il révèle et qu’il incarne dans sa vie est celui d’un Père qui entend et voit la misère de son peuple ! Un Dieu dont les entrailles sont émues en présence d’êtres blessés, qui défend la veuve et l’orphelin, qui va à la rencontre du rejeté. Il est un Père qui choisit et appelle des prophètes et des disciples, hier mais aujourd’hui encore pour faire avancer la justice, la paix, la vérité et l’amour selon ses critères qui ne sont pas toujours identiques aux nôtres.

Frères et sœurs, il y à urgence à changer notre regard sur Dieu pour faire front à tous ceux qui veulent confisquer Dieu à leur profit en le mettant au service de leur idéologie meurtrière ou de leur profit. Le combat est rude et dépasse nos forces !   Avant nous, le Christ a fait brèche aux défis rencontrés. Il nous a promis son Esprit.

En préparant cette eucharistie, j’ai été surpris de découvrir, dans les trois situations évoquées au début de l’homélie, la présence de signes de vie. Plus profond que la révolte du malade, m’est apparu son désir de vivre. Plus profond que l’angoisse éprouvée à propos de la petite-fille prématurée, m’est apparu son désir inouï de vivre, voir de survivre ! En offrant à leur petit-fils un lieu et toute leur tendresse, les grands-parents aident ce dernier à prendre du recul pour ne plus tourner en rond, pour ne pas rester replié sur lui-même !

Changer de regard, nous permettrait-il de percevoir dès ici bas, des signes de vie, des traces de vie au milieu des difficultés rencontrées ?

L’antienne du psaume «J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants »  serait-elle vraie ?

Fr. Jean Albert Dumoulin (à partir de « Feu Nouveau » 60/4 avril-mai 2017)

Lectures de la messe :
Ac 1, 12-14
1 P 4, 13-16
Jn 17, 1-11

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