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Messe à l’ermitage Saint-Antoine de Bévercé – 17/01/2017

Mot d’accueil

Bienvenue à vous tous, de près et de loin, journée ensoleillée mais bien froide et le tout encore bien enneigé ! Grâce à la commune, avec François, la route et les parkings ont été bien dégagés ! Un grande Merci !

L’an dernier la chapelle était comme neuve : tout avait été repeint par la commune ! Cette année-ci : c’est l’autel qui a reçu un renouveau tout à fait remarquable : les Frères Nelles de la carrière ici tout près, à Bévercé, ont taillé quatre dalles d’une même grande pierre et sont venus les placer avec art autour du socle en métal qui soutient la grande pierre d’autel ! Beau travail et bel enrichissement de notre sanctuaire vénérable de saint Antoine le Grand, l’Ermite !

Fêtons saint Antoine, notre patron, ici et en bas, le patriarche des moines de l’Orient comme de l’Occident, belle figure œcuménique ! Tout à l’heure je tâcherai d’esquisser sa stature, son portrait extérieur et intérieur. Une de ses expressions qu’il affectionnait était de « respirer le Christ ». Le grand Sujet christique, non seulement fait l’objet de notre foi et de notre piété, mais même de notre respiration, de notre souffle, il affecte notre sang et notre cœur, nous habite au plus immédiat ! Respirate Christum ! « Respirez le Christ ! » dit-il à ses disciples, après vingt ans enfermé dans une tour ! Invoquons ce Christ, selon notre habitude, au début de chaque eucharistie, et supplions-le de nous venir en aide, d’avoir pitié de nous et de notre monde tel que celui-ci vogue, assez péniblement pour l’instant…

Homélie

Fêter saint Antoine! Un ami, un père, un héros, un pionnier, un homme parti à l’aventure, un maître, un fou et un sage. Entrer dans son univers, par quelle porte ? Sa biographie ? Ses maximes de sagesse, les quelques Lettres conservées de lui, son humour, son humilité, son équilibre, ses paradoxes ?

Il est né en 251, il nous quitte à l’âge de 105 ans, en 356 !

Il part joyeux « comme quelqu’un qui, quittant un pays étranger, rentre chez soi », nous dit son biographe, saint Athanase ! Il donne tout, ses melotes – espèce de vêtement en peau – aux deux évêques qui l’ont visité et entouré : Athanase et Sérapion. Il restitue également son manteau, reçu de l’évêque Athanase : il était comme neuf quand il le reçut, il est rappé jusqu’à la corde quand il le restitue. Il l’a donc bien usé ! Le moine et l’Eglise : le lien y était depuis toujours et se poursuit jusque dans les derniers gestes testamentaires de l’ascète ermite.

Son mode de vie impressionne : dormir, manger, se laver, parler, penser, posséder. Sur toutes ces fonctions élémentaires de tout vie humaine, le moine Antoine a réfléchi, a lutté, établi des règles de vie utiles, fonctionnelles et cela a plutôt bien marché puisqu’il a vécu plus de cent ans ! Le moine n’est donc pas un athlète qui cherche à battre des records dans l’arène des stades du monde et tout cela pour obtenir au moins une fois la médaille d’or ou une couronne de lauriers, puis à trente ou trente-cinq ou quarante ans on arrête toute compétition ! mais il est un athlète pour Dieu, un soldat du Christ, un héros de l’Esprit saint qui travaille, laboure même, pour ne vivre, ne respirer que pour Dieu en Christ dans l’Esprit saint.

Antoine s’isole, par étapes, s’écartant toujours plus loin, devenant plus inaccessible, vers le Sud puis vers l’Est de l’Egypte, dans la montagne, près de la Mer Rouge. Mais il devient un modèle pour tous, pionnier bouleversant, admiré à Trèves, comme le rapporte Augustin, ému lui aussi par cette biographie, rédigée par Athanase en grec et traduite aussitôt en latin car le but était d’atteindre justement des personnes d’Occident intéressées à ce moine, père du désert. Antoine était en fait un copte, dont la Vie, rédigée en grec, fut traduite presque en même temps en latin, et le voilà donc, aussitôt après sa mort, à la croisée œcuménique de son temps ! Et il l’est resté : aujourd’hui encore, tout le monde se réclame de lui, Egyptiens, Palestiniens, Syriens, byzantins, russes et les moines occidentaux comme nous, fils de saint Benoît.

Tout a commencé dans un moment de crise. Ses parents meurent, il est jeune, a hérité de bien des choses, ce qui indique qu’il sort d’un milieu plutôt aisé. Orphelin à 19 ans, avec une sœur plus jeune, il s’interroge : que faire ? Il va à l’église – tout commence ainsi – et écoute la parole de Dieu. On y lit l’histoire d’un jeune homme riche qui s’approche de Jésus avec la question vitale : « Que dois-je faire ? »… C’était aussi sa question à lui ! Il se reconnaît dans ce jeune homme riche, mais ne veut pas repartir comme lui, triste à mourir. Il prend le texte au sérieux, à la lettre, et va, « vend ce qu’il a et le donne aux pauvres », règle les choses pour que sa sœur puisse vivre dignement et religieusement puis commence sa vie à l’écart, avec les trois colonnes bien en place dans sa vie : il écoute la Parole de Dieu, il prie sans cesse et il travaille de ses mains ! Belle base de vie. « Sa mémoire lui servait de bibliothèque », nous dit Athanase, son biographe ! Aucune parole entendue ne tombait à terre, à vide ! Grandeur de ce sérieux en face de la Parole de Dieu ! Il prie aussi, tant et plus, oui « sans cesse », comme le demande saint Paul. Le cœur alerte, en Dieu, il respire le Christ ! Et enfin, il travaille de ses mains, (« que celui qui ne travaille pas, ne mange pas non plus », avait-il trouvé chez le même apôtre Paul), de manière à pouvoir vivre dignement et en plus, à pouvoir donner aux pauvres.

Une vie : un début, un milieu, une fin. Méditons et prenons conscience : nous de même, nous n’avons tous qu’une vie. Comment la rendre utile, significative, entre maintenant et notre mort ? Que lire ? Comment prier ? Et songer à partager et à accueillir, par grand souci du pauvre et de l’étranger, selon les paroles de Jésus… « J’étais pauvre », « étranger » et vous, « vous m’avez accueilli ».

Invoquons saint Antoine, il nous guidera, avec humour et humilité, avec la sagesse de l’expérience : « Je ne crains plus Dieu, disait-il, je l’aime » ! Il est pétri de Dieu. Il priait jusqu’à n’en avoir plus conscience, ce qui selon lui est le signe même de la vraie prière, tout abandonnée ! Et sa mort était joyeuse : il rentrait comme chez lui !

Rendons grâce pour cet homme de Dieu, sage, libre et profondément uni à Dieu, dans la vie comme dans la mort. AMEN.

Fr. Benoît Standaert

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