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Psautier d’Ingeburge (début 13ème siècle)

Nous sommes réunis ce dimanche pour célébrer l’épiphanie du Seigneur, c’est-à-dire sa manifestation parmi nous. Les lectures d’aujourd’hui signalent l’universalité du plan de Dieu. Les prophètes l’ont annoncé : « Les peuples afflueront vers le mont Sion ». Saint Paul complètera : « tous les hommes sont appelés à former un seul corps dans le Christ ». « Les nations marcheront vers la lumière », nous dit le prophète Isaïe, et en écho le psaume chante : « Tous les pays le serviront ». Saint Paul à nouveau dira : Les portes de l’Eglise sont ouvertes à tous les païens.

Si nous mettons notre évangile dans son contexte, les deux premiers chapitres de Matthieu, qui racontent l’enfance de Jésus, nous rapportent beaucoup de rêves, cinq au total. Quatre pour Joseph et un pour les rois mages. Joseph, c’est l’homme de l’action. Chaque fois sans parler, car l’évangile ne rapporte de lui aucun mot. Il se lève et il fait ce que Dieu lui a demandé par le moyen des rêves. C’est de cette façon que Dieu protège la vie de l’enfant, voire la vie de la sainte famille tout entière.

Les rois mages suivent une mystérieuse étoile et arrivent à la capitale, car il me semble que pour eux, c’est dans un palais qu’un roi doit naître, dans la ville la plus importante : c’est là qu’on l’attend. Mais non ! L’étoile qui les précédait continue sa route. Ils la suivirent jusqu’à ce qu’elle s’arrête à la ville de David, Bethléem, où ils rendent hommage au petit enfant Jésus qui vient de naître, dans une étable, avec des moutons et des bergers : écho de l’histoire de son ancêtre, le roi David, qui gardait les troupeaux de sa famille avant d’être appelé et oint par Samuel.

Les mages venaient de l’orient, le point cardinal d’où s’élève le soleil. « Soleil levant, lumière d’en haut », chantera Zacharie à propos de Jésus. Sans aucun doute, le récit de la visite des mages a influencé la vie du peuple chrétien. Le récit a été enjolivé : l’évangile en effet ne dit pas qu’ils étaient rois. On ne sait pas non plus combien ils étaient. On leur a donné des noms: Melchior, Gaspard et Balthasar. Et même, leurs reliques –le saviez-vous ?- ne reposent pas loin d’ici, à la cathédrale de Cologne ! Leur splendide châsse est encore visible aujourd’hui… On les a fait venir sur des chameaux et on les a représentés comme appartenant chacun à des races différentes. En tout cas, ce que nous dit le texte, c’est qu’ils étaient des mages païens et qu’ils apportèrent trois cadeaux. De là peut-être a-t-on pensé qu’ils n’étaient que trois ?

Ils offrent donc de l’or, un cadeau pour un roi, comme l’expliquera la tradition patrisitique, de l’encens, comme à Dieu, de la myrrhe, symbole de l’homme mortel. Trois cadeaux, fruit du travail de l’humanité, tirés du monde minéral et du monde végétal.

Reparlons à présent du rêve. Les mages sont donc les destinataires du cinquième rêve dont parle Matthieu. Dieu leur demande de rentrer chez eux par un autre chemin. Nous pouvons en faire une lecture spirituelle qui nous dit qu’après toute rencontre avec le Seigneur, le chercheur de Dieu est invité à suivre un autre chemin, en accord avec la tradition biblique qui nous dit qu’il faut choisir entre deux chemins : le premier, qui conduit à la vie, et le second, peut-être plus large, qui conduit à la mort.

La bible et toute la tradition spirituelle nous disent que le rêve est un moyen que Dieu utilise pour communiquer avec nous. Et quant à nous, c’est par les rêves que notre être intérieur, notre âme, s’exprime, se révèle, émerge pour dire quelque chose. Il faut dire qu’il y a des rêves nocturnes, et d’autres diurnes. Il y a aussi des visions. Sans doute, il ne faut pas confondre rêve et vision. Mais cette dernière doit cependant être interprétée comme un rêve, nous explique Anselm Grün.

Selon la tradition juive, la création a trouvé sa source dans un rêve de Dieu, qui la voyait comme un geste d’amour que l’homme était invité à construire avec lui. Voilà pourquoi notre Dieu a alors voulu et rêvé l’homme, à son image et à sa ressemblance, pour être son partenaire dans le grand dialogue de cette création toujours inachevée, toujours en processus d’évolution.

Comme dans une vision, le patriarche Abraham a perçu qu’il serait le père d’une multitude innombrable, aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable de la mer. Jacob rêve d’une échelle, pont entre le ciel et la terre. Son fils Joseph reçoit de Dieu la capacité d’interpréter les songes, et c’est grâce à cela que le peuple hébreu est arrivé en Egypte en temps de famine et y a survécu.

La liturgie nous a invités pendant les quatre semaines de l’avent, à nous lever, à accompagner Marie et Joseph, depuis Nazareth en Galilée jusqu’à Bethléem en Judée, en pèlerinage de renaissance et d’enfantement de Dieu en nous. Et maintenant, comme nous le rappelle le songe des rois mages, nous sommes invités à suivre un autre chemin, un chemin de vie où nous le Seigneur nous accompagne, lui la lampe pour nos pas, la lumière dans nos ténèbres ; chemin de conversion, accomplissement du rêve de Dieu pour nous.

Levons-nous donc, tournons-nous vers l’orient pour ainsi traverser le désert. Marchons vers la sagesse, marchons vers Dieu.

Frère Manuel Akamine

Lectures de la messe :
Is 60, 1-6
Ps 71
Ep 3, 2-3a.5-6
Mt 2, 1-12

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