Bien chers frères et sœurs, chers amis. Comment commencer ? Par où recommencer ? Avec quelle parole de Dieu allons-nous ouvrir le livre et ouvrir l’année qui commence ? Par la Genèse, et les dix paroles de la création : Dieu dit : que la lumière soit, et dix fois il parle ainsi pour créer notre monde ? Ou par les dix paroles de l’alliance, transmises au Sinaï, dix fois pour créer un peuple qui lui appartienne ? Ou par le commandement central : « Et tu aimeras » ? Ou encore par la sainteté, inscrite au cœur de la Torah de Moïse, au Lévitique : « Soyez saints, car moi, le Seigneur, je suis saint » ?
Tout cela était bel et bien possible, mais nos liturgistes ont trouvé encore mieux ! Ils commencent par la bénédiction. La grande bénédiction confiée par Dieu à Moïse pour la confier à Aaron et à ses fils qui la prononceront à leur tour sur tout le peuple ! Ce n’est pas nous qui bénissons Dieu, mais c’est nous qui accueillons des paroles dans lesquelles Dieu nous bénit ! Joie d’être comme ondoyé, recouvert, submergé par la triple vague de la bénédiction des fils d’Aaron. Saint François d’Assise aimait ces versets du livre des Nombres chapitre 6, et tous les soirs il étendit les mains sur ses frères et la prononça : « Que le Seigneur te bénisse et te garde !
Que le Seigneur fasse rayonner sur toi son visage et te fasse grâce.
Que le Seigneur lève sur toi sa face et t’apporte la paix ! » Quand les rabbins relisent ce passage et le commentent, ils y retrouvent les trois colonnes du monde : qu’il te garde dans tes actions, qu’il t’illumine par la lumière de sa face dans l’étude de la Torah qui est lumière et qu’il te donne la paix dans la prière. Et quand les Pères de l’Eglise entendent cette triade, spontanément ils y perçoivent la présence de Dieu le Père qui de toute éternité nous garde, du Fils dont la face est lumière et qui révèle le Père, et l’Esprit saint qui nous habite et assure en nous la paix. Dieu nous garde, nous illumine et nous établit dans la paix, Père, Fils et Esprit saint !
Le psaume 67 qu’on a prié aussitôt après, rejoue cette ancienne bénédiction d’Aaron et l’étend à tous les peuples. « Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s’illumine pour nous, et ton chemin, ta Torah, sera connu par toute la terre, parmi toutes les nations ton salut, ton Yeshouah, ton Jésus » ! Oui, « la terre a donné son fruit », dit encore le psaume, et pas un Père de l’Eglise qui ne capte ici une annonce de la naissance de Jésus, né de la Vierge Marie ! Elle, Marie, est notre « terre qui a donné son fruit » ! « A toi Dieu, la louange des peuples, unanime la louange des peuples ! » C’est l’Eglise universelle qui enchaîne et déjà vit cette unanimité des peuples dans la louange !
Saint Paul ne parle jamais de la Vierge Marie. Mais les liturgistes ont repéré tout de même un passage, en Galates 4, où l’on est en droit d’y lire une allusion. « Dieu a envoyé son Fils, écrit-il, né d’une femme et soumis à la Loi ». Ici, « né de la femme » veut dire avant tout : né dans notre condition humaine, soumis à notre nature mortelle, en contraste avec « soumis à la Loi ». Jésus est devenu comme nous « nature » par sa naissance toute humaine et il est devenu comme Juif « histoire » en se soumettant au régime de la Loi, circoncis le huitième jour de sa vie. Et il vient, dit saint Paul, pour nous libérer tant de la condition d’esclave, sous une loi, et que de nous libérer de la condition mortelle, nés que nous sommes de la femme : nous sommes désormais des fils dans le Fils, libres et héritiers avec lui d’une gloire qui ne passera pas.
Egalement dans ce très court passage, on retrouve, comme un mouvement unique, la triade chrétienne : Dieu, le Père envoie le Fils, et envoie l’Esprit et nous, baptisés dans le Fils, nous sommes libres pour crier dans l’Esprit saint : Abba ! Père.
L’évangile reprend ce que nous avons entendu la nuit de Noël et poursuit la lecture jusqu’au huitième jour : là Jésus est circoncis et reçoit son nom de sauveur : Yeshouah ou Yeho-shouah, le Seigneur sauve ! Ce dernier verset coïncide strictement avec le calendrier que nous respectons, le huitième jour de la vie de Jésus !
Bien chers amis, commençons l’année en accueillant la bénédiction divine. Qu’elle nous garde, nous éclaire, nous illumine, et nous donne la grande Paix. Louons Dieu qui nous fait grâce, envoie son Fils parmi nous, né d’une femme, soumis à la Loi et à la circoncision, pour faire de nous des enfants libres, capables de crier « Abba ! Père » ! à notre Dieu. Et cultivons au fond de notre cœur chacun des noms nouveaux du Dieu de la révélation chrétienne, tels qu’ils ont retenti dans les lectures de ce matin : Yeshouah-Jésus, qui est dit « Seigneur », et reconnu « Christ, Messie, Fils de Dieu », et qui nous a révélé son Père céleste : « Abba » ! « Père » ! Laissons la bénédiction descendre en nous au plus intime de notre terre, et rejaillir à travers nous comme une bénédiction-intercession qui s’étend à toutes les nations, d’ici jusqu’au Pérou, du Pérou jusqu’en Syrie, de la Syrie jusqu’en Russie et jusqu’aux Etats-Unis… En écoutant la radio, on est un peu abasourdi par l’échec que tous les journalistes avouent : ils ne savent plus quoi penser pour demain ! Aucune prognose n’est certaine ! Alors quoi ? Alors il ne nous reste plus qu’à espérer ! Et là, en tant que chrétiens, nous en savons quelque chose ! Prions, rendons grâce et espérons ! Amen.
Fr. Benoît Standaert
Lectures de la messe :
Nb 6, 22-27
Ps 66
Ga 4, 4-7
Lc 2, 16-21