La présentation de Jésus au temple
Bien chers frères et sœurs,
Être une famille sous le soleil n’est pas une chose simple, aujourd’hui comme dans le miroir que nous tendent les Ecritures choisies pour cette fête de la sainte Famille. Tout commence avec Abraham. Il est centenaire. Il n’a pas de fils, sa femme est dite stérile… Mais Dieu lui a dit qu’il le bénirait encore et encore. Mais Abraham ne voit rien arriver et fait des plans pour confier à d’autres tout l’héritage. Un doute s’est installé en lui. Il ose le dire à Dieu. Mais Dieu ne retire pas sa parole : « Tu seras béni, je te l’assure ». Et il pousse Abraham à sortir : « Regarde le ciel et compte les étoiles si tu peux ! Aussi nombreuse sera ta descendance ». Et, dit le texte, « Abraham crut ». Sara enfante un fils, au jour que Dieu avait prévu…
L’épître aux Hébreux fait une relecture de cette page ancienne. « Grâce à la foi » tout advient comme annoncé. « Grâce à la foi », celle d’Abraham, celle de Sarah, celle d’Isaac. L’histoire avance mais surtout Dieu reste fidèle, et heureux ceux qui comme Abraham lui font pleinement confiance. Aujourd’hui même, en ce jour remarquable de la grande transition vers l’an nouveau, interrogeons-nous sur notre propre marche dans l’histoire. Parents, enfants, grands-parents soucieux de transmettre la foi aux plus jeunes… Avançons-nous comme nos patriarches et tous ceux que l’épître aux Hébreux mentionne en ce même grand chapitre 11, avançons-nous « grâce à la foi » ? Une foi vivante et vibrante en Dieu, le Dieu de la vie auquel nous donnons le droit de diriger notre marche, jour après jour, chaque matin au lever, chaque soir en allant dormir… Oui, marcher et rester en mouvement « grâce à la foi », cette inébranlable confiance en Celui qui a tout mis en marche depuis des générations dans chacune de nos familles respectives, sans quoi nous ne serions pas ici !
Regardons maintenant la page d’évangile choisie pour ce dimanche de la sainte Famille. Serait-ce un miroir pour notre foyer ? Quarante jours après la naissance de l’Enfant, la mère vient au temple pour se purifier rituellement. Elle et son mari viennent en se soumettant à la Loi de Moïse. Joseph a deux colombes avec lui, le minimum qu’on était supposé apporter, dans la cas où l’on n’était pas riche du tout. Mais même pauvre, on est sollicité d’offrir quelque chose et si c’est peu, cela suffit entièrement. Voilà la sagesse de la Loi. Jusqu’à trois reprises on entend que Joseph et Marie viennent dans une esprit de soumission à la Loi : ils font ce qui est prescrit, ils accomplissent ce que dit l’Ecriture. La foi c’est aussi cela : faire ce qui a été dit de faire à nos pères. Retrouver la force du rite, accompli avec une foi humble, sans prétention aucune. Si vous êtes là, en ce dimanche, ici en haut de la colline, c’est un signe que vous aussi aimez faire ce qui a été prescrit à nos pères depuis des générations.
Or justement, c’est dans ce geste accompli avec un cœur simple et unifié que va surgir l’énorme surprise. Un vénérable homme de Dieu surgit : Syméon. Dieu lui a parlé. Il a reçu l’assurance qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu de ses propres yeux le Messie d’Israël ! De ce Syméon il est dit jusqu’à trois fois qu’il est conduit, poussé, inspiré par l’Esprit saint ! Les uns agissent poussés par une foi humble en se soumettant à la Torah de Moïse, et l’autre avance, en ayant cru aux paroles reçues et poussé par l’Esprit saint. L’Esprit et la Loi ne sont pas du tout en tension ou opposition. Ils se confirment merveilleusement. La famille vit, respire, avance dans le temps en s’appliquant à faire ce qui a été prescrit et en restant pleinement ouvert aux injonctions de l’Esprit. L’un et l’autre. Rien n’est facile dans tout cela mais le texte nous offre un miroir qui permet, en cette fin d’année, de rectifier le tir si nécessaire et de redécouvrir une marche saine et vraiment sainte selon la volonté de Dieu.
Et ce n’est pas tout : ce moment du quarantième jour devient un moment de révélation : tant Syméon que Anne, cette autre grande figure qui surgit de rien, comme inespérée, ont des paroles remarquables au sujet du destin de cet enfant. Tout le monde rêve quand on se trouve devant un berceau d’un nouveau-né. On imagine de tout : « Qu’adviendra-t-il de cet enfant ? » Ici, les deux vénérables qui se trouvaient là comme par hasard dans le temple à l’arrivée de l’enfant de Marie avec Joseph, se mettent à prophétiser. Ils disent des choses fortes et belles sur cet enfant : Lumière pour les Nations, Gloire pour son peuple Israël ! mais aussi des choses terribles : occasion de chute pour un grand nombre, occasion de relèvement pour beaucoup, mais en outre « un glaive transpercera ton cœur ».
Être famille, dans la foi, avec des enfants que Dieu veut bien nous donner, est une aventure où le plus beau et le terrible peuvent coexister étrangement. Marie et Joseph sont rentrés chez eux, ayant accompli ce que la Loi avait requis d’eux. Mais dans leur cœur il y a ces grandes, trop grandes paroles qu’ils gardent en eux avec crainte et espérance. Vivre bien la vie de famille, c’est aussi cela : veiller auprès du mystère de l’autre, de sa liberté, sa force et ses points faibles, sa richesse et sa pauvreté inhérente, avec tout ce qu’il ou elle a hérité de notre propre milieu familial depuis trois, quatre générations encore entrevues dans la mémoire de certains.
Frères et sœurs, avançons dans la foi, sans peur et sans fatalisme. Avançons à l’école des patriarches et des parents de Jésus. Redressons-nous en cette finale d’année et retrouvons la force de l’espérance, la joie de la foi et l’ardeur d’une charité sans borne. Ainsi soit-il.
Frère Benoît Standaert
Lectures de la messe :
Gn 15, 1-6 ; 21, 1-3
Ps 104 (105), 1-2, 3-4, 5-6, 8-9
He 11, 8.11-12.17-19
Lc 2, 22-40