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En préparant ce que j’allais vous dire aujourd’hui, je suis allé voir dans mes archives ce que j’avais dit à propos des mêmes textes, il y a trois et six ans. Non pas pour redire la même chose, mais au contraire pour éviter de me répéter. Je ne voudrais pas radoter. Je ne me fais pas l’illusion de croire que vous vous souvenez de ce que j’ai dit alors, mais je ne voudrais pas en profiter pour ronronner sans risque. Simple question de conscience professionnelle.

Ce petit détour par mes archives m’a rappelé que je m’étais arrêté, il y a six ans, sur trois mots de Paul : Dieu est fidèle. Littéralement : Fidèle le Dieu. Et je me propose de reprendre ce point de départ, quitte à emprunter pour la suite un autre chemin.

Jean nous a dit que Dieu est amour (1 Jn 4, 16), et c’est sans doute l’essentiel de ce qu’il faut retenir de lui. L’amour définit Dieu. Il n’est qu’amour, c’est sa substance propre, il est fait d’amour comme nous sommes faits de chair et de sang.

L’amour de Dieu est gratuit, inconditionnel. Mais pas seulement. Il est aussi respectueux de notre liberté, il ne s’impose pas. Personne n’est obligé de l’accueillir, chacun reste libre de dire que cela ne l’intéresse pas. Dieu l’offre à chacun, mais ne retient personne. C’est pourquoi l’Écriture, à côté de phrases pleines de bienveillance et de tendresse, a parfois des expressions qui peuvent sembler sévères, voire intolérantes, comme celle que nous chantons régulièrement : « Si nous le renions, lui aussi nous reniera » (2 Tm 2, 12). Autrement dit, il prendra notre liberté au sérieux, il ne prétendra pas que notre choix est sans importance.

Avec des nuances diverses, de telles expressions signifient que l’amour de Dieu est à la disposition de tous, sans exclusive, mais qu’il peut seulement appartenir à ceux et celles qui, librement, tendent la main pour s’en saisir. Tout cela se résume dans les mots que Charles Péguy a placés dans la bouche de Dieu :

« À cette liberté, à cette gratuité j’ai tout sacrifié, dit Dieu,
À ce goût que j’ai d’être aimé par des hommes libres,
Librement »[1].

Et pourtant, ajoute Paul, « si nous sommes infidèles, lui nous restera fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2 Tm 2, 13). Dieu nous aime assez pour accepter qu’on ne l’aime pas. Il ne peut pas cesser d’aimer. Il peut, douloureusement mais de tout cœur, au nom même de son amour, s’imposer de renier celui qui le renie, accepter que les ponts soient coupés, par respect pour la décision de celui qui les coupe, mais il n’a pas la puissance de se renier lui-même, de se réduire à néant, de s’interdire d’être amour.

C’est un peu comme si Paul répondait à Jean : « C’est trop peu de dire que Dieu est amour. Dieu est fidèle. » Et Jean lui répond : « Je le sais bien, il est fidèle et juste, il va jusqu’à pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice » (1 Jn 1,9). Aucune de nos infidélités n’est irrémédiable, car Dieu est fidèle.

[1] Le Mystère des saints Innocents, 1912, in Œuvres poétiques complètes, Bibliothèque de la Pléiade, n° 60, Paris, Nouvelle Revue Française, 1941, p. 377.

Fr. François Dehotte

Lectures de la messe :
Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7
Ps 79 (80), 2ac.3bc, 15-16a, 18-19)
1 Co 1, 3-9
Mc 13, 33-37

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