Bien chers frères et sœurs,
Nous devenons ce que nous contemplons. Nous sommes toujours à l’image du Dieu que nous adorons. Quel Dieu est notre Dieu ? Vers qui sommes-nous tournés de tout notre cœur ? La parole de Dieu aujourd’hui nous donne à voir comment notre identité dépend de notre adoration.
Moïse dans la première lecture invite à l’émerveillement : notre Dieu, qui fut-il au fil des siècles et des générations ? Comment s’est-il montré à nous et nous a-t-il formés comme son peuple à lui, avec une proximité bouleversante, une sagesse incomparable, une force salvifique tout à fait unique. Nous sommes ce que nous arrivons à nous rappeler de tout ce qu’il a fait pour nous. Notre image identitaire à nous dépend de l’image de notre Dieu et sauveur : « Sache donc aujourd’hui et imprime-le dans ton cœur : le Seigneur Dieu est unique, au ciel et sur la terre, il n’y en a pas d’autre ».
Le psaume 33 proclamait heureux, bienheureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu, le peuple qui sait l’acclamation parce qu’il connaît son Seigneur : le Seigneur est Dieu, à la fois Créateur universel et Maître de l’histoire particulière.
Saint Paul dans ce grand chapitre 8 de sa lettre aux Romains résume toute notre identité de chrétiens baptisés : foi, espérance et charité, inhabitation de l’Esprit depuis notre baptême, fraternité avec le Christ, premier-né d’une multitude de frères, et fils dans le Fils, vivant lucidement la relation de transparence avec cet Abba céleste, le Père de notre Seigneur Jésus Christ. Rien de très compliqué dans tout cela, malgré tout ce qu’on a pu en dire comme débats interminables au fil des siècles. Paul respire le mystère de la Trinité sans jamais se servir de ce mot qui est d’ailleurs absent de tout le Nouveau Testament ! Baptisés dans le Christ, nous vivons par l’Esprit notre filiation avec Dieu le Père. Notre identité est dynamique et se joue en Christ, et par lui en Dieu Père, Fils et Esprit saint.
L’évangile vient confirmer tout cela, avec force. On entend la grande finale du livre de saint Matthieu. Jésus apparaît sur une haute montagne en Galilée. Il proclame sa touchante proximité dans le temps : « Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ». Il affirme aussi son autorité dans l’espace : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre ». Au milieu de cet espace et de ce temps, voici que prend forme l’envoi des disciples, la mission de l’Eglise. Il s’agira d’ouvrir une école, et faire de tout homme un possible disciple. On devient disciple par une double formation. On apprend tout ce que Jésus nous a enseigné, et notamment sa relecture de la Torah comme précepte d’amour (« Tu aimeras » !). Et on reçoit le rite central du baptême dans le Nom. C’est le moment à la fois rituel, sacramentel et mystique : on ne s’appartient plus, on appartient à Celui dont on invoque le Nom, Jésus le Seigneur, Dieu notre Père et l’Esprit qui nous sanctifie et nous incorpore au Christ de Dieu.
Respirons bien, respirons de façon toujours trinitaire. Regardons pour terminer l’icône de la Trinité d’Andreï Roublev. L’Esprit à droite nous accueille. Il nous engendre comme une mère, il nous forme dans la liberté du Fils, au milieu du tableau, notre véritable vis-à-vis chaque fois que nous regardons vers Dieu. Le Fils, lui est penché vers le sein du Père, « il contemple les profondeurs du Père », nous dit Origène. Et tout le mouvement aboutit dans le sein et près des mains réunies du Père. Le Père, lui, regarde fermement devant soi et envoie l’Esprit. Et ainsi se développe un mouvement qui n’a point de fin. La prière de Jésus, « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, prends pitié de moi pécheur » épouse le mouvement qui passe par les trois anges apparus à Abraham au chêne de Mambré.
Rendons grâce à Dieu. Abraham l’avait invité à sa table mais s’est trouvé admirablement comblé par la présence divine qui lui promet la naissance du premier enfant messianique : « L’an prochain ta femme aura un fils ! » Qui accueille Dieu est accueilli merveilleusement par lui et le don qu’il reçoit déborde tous les dons apportés sur la table. Laissons-nous reprendre par le grand mouvement qui habite le cœur de Dieu et qui a traversé les siècles jusqu’à nous pour nous constituer aujourd’hui comme le peuple qui sait l’acclamation, le peuple qui connaît son Dieu et dans le credo l’acclame : Père, Fils et Esprit saint. AMEN
Fr. Benoît Standaert
Lectures de la messe :
Dt 4, 32-34.39-40
Ps32 (33), 4-5, 6.9, 18-19, 20.22
Rm 8, 14-17
Mt 28, 16-20