On reconnaît l’arbre à ses fruits. Chercher la paille dans l’œil du voisin. Ce passage de l’évangile de Luc a laissé des traces dans notre langage courant. Le tout est de savoir s’il laisse des traces dans nos comportements.
Ces paroles sont à peu près la clôture du discours à la foule, chapitre 6 de Luc qui commence par les Béatitudes et va se terminer par la comparaison de la maison bâtie sur le roc, et j’ignore pour quelle raison les auteurs du lectionnaire ont laissé tomber le v. 46 « pourquoi m’appelez-vous Seigneur et ne faites-vous pas ce que je dis ? » Car c’est bien là l’enjeu de tout cet enseignement : pas seulement prier et parler, mais agir.
L’homme bon tire du bien du trésor de son cœur qui est bon, et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais – ce qui se passe pour le moment en Ukraine en est un signe tragique – mais revenons à ce qui nous concerne directement, c’est-à-dire ce que Jésus dit à ses disciples, pour qu’ils deviennent disciples précisément : une fois bien formé, le disciple sera comme son maître. Dès lors, essayons de nous laisser former par le Christ.
D’abord, il est utile de nous rappeler que Jésus était un vrai Juif, très attaché aux Saintes Écritures, qui en effet l’ont formé. Il suffit par exemple de rappeler, dans le même évangile de Luc (2ème chapitre) sa rencontre, quand il est encore adolescent, avec les maîtres de la Loi au Temple de Jérusalem. Il connaissait très bien l’histoire du tamis qui retient les déchets, du fruit qui manifeste la qualité de l’arbre, de la parole qui fait connaître les sentiments du cœur.
Son enseignement est tout naturellement bourré de références bibliques. Il chantait les psaumes à la synagogue de Nazareth ou de Capharnaüm : le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban, pas de ruse en Dieu, le Seigneur est droit, il est mon roc. D’où, entre autres, cette insistance souvent répétée sur la nécessité de la cohérence entre la pensée, la parole et l’action – et, à l’inverse, sa critique parfois virulente de l’hypocrisie qui rend aveugle sur ses propres défauts.
Ensuite, et en conséquence, nous laisser former par le Christ implique non seulement que nous comprenions son enseignement et que nous soyons d’accord avec lui, mais que nous mettions en pratique « le peu que tu as compris de l’évangile », comme disait le frère Roger de Taizé. Ce qui correspond parfaitement à ce qu’écrivait Paul à la communauté de Corinthe : prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur.
Car l’œuvre du Seigneur se poursuit. Et c’est cela notre force et notre grâce, notre chance : le Christ ressuscité agit en nous par l’Esprit qu’il nous inspire. En effet, l’union intime entre les paroles et les actes du Christ s’est révélée dans sa résurrection, qui est comme la signature et l’authentification donnée par Dieu à toute son action, à sa vie et à sa mort.
Si nous acceptons et si nous nous engageons à être ses disciples, à penser, parler et agir comme il nous l’indique, alors le Christ vivant est effectivement à l’œuvre dans nos vies. Et, malgré les apparences, malgré nos infidélités, nos fragilités et nos échecs, nous sommes toujours réconfortés par les mots de l’Apôtre : vous savez que dans le Seigneur la peine que vous vous donnez n’est pas perdue.
Abbé René Rouschop
Lectures de la messe :
Si 27, 4-7
Ps 91 (92), 2-3, 13-14, 15-16
1 Co 15, 54-58
Lc 6, 39-45