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Les lectures et le psaume que la liturgie nous propose ce dimanche, nous parlent de situations dans la vie de Jérémie, de Paul, de l’auteur du psaume 68 (attribué au roi David) et de Jésus, à propos desquelles, chaque fois, il est question de crainte. Nous pouvons définir le mot « crainte », comme un sentiment d’inquiétude suggérée par l’idée d’un mal à venir, d’un danger existant ou possible. Tous ont vécu des expériences qui touchent à la persécution, à l’errance, à la douleur, à l’abandon, et la mort. Mais ils ont aussi été témoins de l’amour, de la joie et de la confiance, ancrées dans la foi.

Jérémie exerce son ministère prophétique à Jérusalem. Ce sont les dernières années du royaume de Juda, qui s’écroulera sous la pression des babyloniens en 586 avant Jésus-Christ. Jérémie met sa foi en Dieu. Il dira : « Le Seigneur est avec moi, il va me défendre comme un guerrier redoutable. » Dans sa situation extrême, il garde confiance et espérance Il ose même entonner « Alleluia ! »

Le psaume que nous avons chanté continue le double mouvement de Jérémie : d’un côté, les souffrances, de l’autre, foi et espérance.

Saint Paul fait le parallèle entre Adam, par qui est entré le péché et la mort dans le monde, et Jésus, Dieu incarné, par qui se répand sur nous la grâce de la vie. La mort est vaincue par la résurrection, c’est la vie qui triomphe sur la mort, vie, don gratuit de l’amour de Dieu.

Quant à l’évangile, à mon sens, le placer dans son contexte, l’illumine et nous aide à mieux comprendre son message. Jésus est saisi de compassion, touché aux entrailles devant la foule, parce qu’elle était comme des brebis sans pasteur, c’est-à-dire, exposée à tous les dangers. Il choisit ses disciples, leurs donna des consignes, des enseignements, et les envoie en mission. Ceci nous concerne encore aujourd’hui : Rappelons-nous toujours que l’évangile n’est pas seulement un texte du passé. Il questionne chacun de nous maintenant, nous, disciples de Jésus.

Donc, dans le texte que nous avons entendu, le mot crainte arrive trois fois, mais, d’une fois à l’autre, le sens en est différent. Nous trouvons tout d’abord : « Ne craignez pas les hommes. Tout ce qui est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. » Pour saisir le sens de cet extrait, il faut aller à la phrase précédente : « Le disciple n’est pas plus que le maître, ni le serviteur plus que son seigneur. S’ils ont appelé le maître de la maison « Beelzeboul », à combien plus forte raison appelleront-ils ainsi les gens de sa maison. » Autrement dit, vous devez vous attendre à être traités de la même manière que moi : persécutions, médisance, harcèlement, vexations, et parfois aussi la mort. Mais Jésus nous rassure : la vérité fera surface tôt ou tard, maintenant ou au jour du jugement. Si nous croyons en la justice de Dieu, alors, nous n’avons rien à craindre. Aujourd’hui, des chrétiens sont persécutés à cause de leur foi. Ils sont traités de mécréants, traînés sur les routes de l’exil, maltraités, martyrisés. Dans nos contrées également, être croyant en Jésus a mauvaise presse : « ce sont des contes pour les enfants, des naïfs. » Tenir dans la foi, c’est un défi. La persécution est larvée.

Le deuxième type de crainte, c’est la peur de la mort. Toutefois, il faut distinguer. Le passage nous parle de deux types de crainte de la mort. Premièrement, la crainte de ceux qui peuvent tuer le corps. Eux, le pire qu’ils peuvent faire, en effet, c’est de le détruire. Mais l’âme, ils ne peuvent pas y toucher. Deuxièmement, Jésus avertit de craindre celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la Géhenne. Un petit excursus… autant en grec, avec le mot phobéô qu’en Hébreu, avec le mot irah, craindre a une double signification : tout d’abord, c’est être saisi de terreur, et de l’autre côté, c’est éprouver du respect, de la révérence. En fait, toute rencontre biblique avec le Tout Autre implique les deux : Elie, Moïse, et même Marie, à qui l’ange dit : « N’aie pas peur ! » Je voudrais bien ajouter comme exemple un texte du Deutéronome au chapitre 10 : « Que te demande le Seigneur ton Dieu, sinon de craindre le Seigneur ton Dieu, de suivre toutes ses voies et de l’aimer. » Craindre et aimer ne sont pas ici contradictoires.

La crainte fait partie de notre condition humaine. Il ne faut sûrement pas la nier. Ce que Jésus nous propose, c’est plutôt de la traverser avec lui, d’avoir foi en lui. La foi chasse la crainte, parce qu’elle a comme fondation l’amour et la confiance. L’amour ne s’achète pas. Donc, l’amour de Dieu pour nous, c’est un don gratuit. Simplement, il nous est donné parce que nous sommes ses enfants. Comme une mère, son amour pour nous est inconditionnel, ainsi que le chante un autre psaume (26) : « Si ton père et ta mère t’abandonnent, je ne t’abandonnerai jamais. »

Alors, maintenant, il y a énormément de manières de parler de l’amour de Dieu. Cela pourrait durer des heures. Mais ici, par crainte, amour et respect, je vous propose de laisser ce thème pour une autre fois. Merci… Amen.

Fr. Manuel Akamine

Lectures de la messe :
Jr 20, 10-13
Ps 68
Rm 5, 12-1
Mt 10, 26-33

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