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La Bonne Nouvelle que nous acclamons n’est pas d’abord une doctrine, un enseignement : c’est une personne, la personne même de Jésus. Certes, la Bonne Nouvelle est aussi un message qui concerne le Royaume de Dieu, en particulier dans l’évangile selon St Matthieu et dans cette longue série de paraboles : « le Royaume de Dieu est comparable à… », ce qui revient à dire : voici comment on peut connaître Dieu. Mais c’est en premier lieu par toute sa vie que le Christ nous montre qui est Dieu, depuis sa naissance dans la fragilité de la crèche et son effacement à Nazareth jusqu’à sa mort sur la croix. : une approche de Dieu surprenante pour toutes les religions, scandale pour les Juifs et folie pour les autres. Il faut la compléter par les paroles du Fils de Dieu, qui nous découvrent progressivement qui est son Père.

Ainsi donc, l’histoire que nous venons d’entendre n’est pas un enseignement sur la justice sociale. Allez dire dans n’importe quelle entreprise que les ouvriers de la dernière heure gagnent autant que les autres, qui ont sué toute la journée courbés entre les vignes, et vous verrez la levée de boucliers des syndicats. Avec raison ! « A travail égal, salaire égal » : il ne s’agit pas de remettre en question ce principe de la justice distributive ni de laisser les chefs d’entreprise considérer les travailleurs comme de simples ‘unités de production’…

Ce qui est en question, c’est l’image que nous nous faisons de Dieu. « Mes pensées ne sont pas vos pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins » disait déjà le prophète. « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées au-dessus de vos pensées ». Superbe découverte de Dieu déjà dans le premier Testament, et qui sera reprise par de grands théologiens affirmant qu’on ne peut rien dire de Dieu car notre langage humain est trop court ; il faut tout de suite corriger ce qu’on vient de dire au sujet de Dieu car il est au-delà de notre intelligence, il n’est pas possible de l’enfermer dans nos concepts. Effectivement, dans le cas contraire on pourrait penser que Dieu est à portée de notre raison et qu’il est une simple projection de nos idéaux.

C’est pourquoi Jésus dans son enseignement ne procède pas par des raisonnements logiques mais par des images successives. Aujourd’hui l’image de la vigne et des vignerons. Dans toute la tradition, la vigne représente le peuple de Dieu. Le Seigneur a besoin en tout temps de serviteurs pour travailler à son service. Il ne cesse pas d’embaucher et sa générosité est sans commune mesure avec la nôtre. Elle va bien au-delà de nos petits calculs et de nos petites jalousies. Remarquez que si le maître avait ordonné de commencer la paye par les premiers engagés, ceux-ci n’auraient sans doute pas rouspété : le contrat était d’une pièce d’argent pour la journée, le salaire habituel. Et les derniers auraient été agréablement surpris d’en recevoir autant. Mais voilà, dans le monde de Dieu, les premiers sont derniers et les derniers premiers…

Telle est la logique évangélique. Car le message de Jésus est aussi un enseignement sur l’homme. Dans l’alliance nouvelle comme dans un contrat ou un mariage, il y a deux partenaires. Dans son Royaume, Dieu n’est pas l’éternel célibataire des mondes, il y a place pour l’humanité, mais pas n’importe comment : une humanité transformée, enfin libérée de la corruption, transfigurée par le Christ dans son regard sur la vie et sur l’autre. Une humanité qui acquiert – petit à petit – le même regard que Jésus sur Zachée, sur Marie Madeleine, sur Pierre, sur les bourreaux ou sur le brigand crucifié à côté de lui. « Ton regard est-il mauvais parce que moi je suis bon ? ». Voilà à quoi l’humanité est appelée, et voici la bonne nouvelle : le regard du Seigneur est plein de bienveillance et il met le dernier, le mal-aimé, le petit, à la première place.

Seigneur , Dieu de Jésus Christ, tu es tellement plus grand que notre cœur : transforme mon regard sur toi et sur les autres, mets dans mon cœur ta bonté, mets dans mes mains un peu de ta générosité. Amen.

Abbé René Rouschop

Lectures de la messe :
Is 55, 6-9
Ps 144
Ph 1, 20c-24.27a
Mt 20, 1-16

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