Pour reprendre l’image de l’abbé Rouschop, on peut répartir les trois lectures comme un scénario en trois actes.
Le premier acte, constitué par la première lecture, se situe à Jérusalem en présence d’une assemblée composite. Cette assemblée comprend des Juifs revenant d’exil. Esdras, scribe à la cour de Perse, est chargé par le roi Artaxerxès vers 397 avant Jésus-Christ de ramener à Jérusalem une caravane de compatriotes pour faire des réformes et promulguer la Loi de Moïse. Or, le terrain est occupé par des Juifs restés sur place. Que faire alors pour unifier ces groupes de même origine mais devenus étrangers à la suite de la déportation d’un groupe à Babylone ? Deux groupes entre lesquels surgissent incompréhensions et conflits !
Pour tenter de reconstruire l’unité, Esdras convoque tout le monde en âge de comprendre. De façon solennelle il apporte le livre de la Loi et en fait la lecture sur une tribune pour que toute l’assemblée puisse voir le livre. Il commença par rendre grâce à Dieu, sans doute pour ce jour béni des retrouvailles ! Et d’un même élan, tout le peuple se mit debout, approuva en répondant : «Amen, Amen !» Ensuite, dit le texte, il s’inclina devant le Seigneur. Gestes, mouvements faisant entrer dans une attitude commune. Pour que tous puissent comprendre ce qui est lu, des lévites assurent la traduction en araméen, langue parlée par le peuple.
Rassemblant avec solennité des groupes différents en un même lieu, Esdras se met ainsi au service de la Torah, de la Loi, comme le fit Moïse aux origines du peuple lorsqu’il unifia autour de la Loi les diverses tribus d’Israël. Désormais, ce n’est plus une Loi écrite sur des pierres qui unifie le peuple, mais une Loi proclamée et reçue comme don et présence réelle de Dieu. Une Loi gravée sur des tables de miséricorde dans les cœurs ! Elle exprime le désir de Dieu pour l’ensemble du peuple à travers des paroles de vie et de joie y compris pour ceux qui ne n’ont rien de prêt ! Vous comprendrez que ce moment d’émotion intense débouche par un repas de fête.
À cette lecture, fait écho dans le psaume ce dialogue entre l’homme et Dieu : «Tes paroles Seigneur, sont esprit et elles sont vie… accueille les paroles de ma bouche, le murmure de mon cœur !»
Le deuxième acte a lieu à Nazareth. Rappelons-nous l’intention de Luc : il transmet aux amis de Dieu les faits de la vie et l’enseignement de Jésus. Dans l’Évangile de ce jour, Jésus retourne dans son village, un jour de sabbat : jour de repos et d’émerveillement pour l’action de Dieu envers son peuple. Certes les habitants ont entendu parler de Jésus et de ses miracles, dès lors quoi de plus normal que de lui confier la lecture ? À travers la personne de Jésus, Luc transmet et actualise la prophétie d’Isaïe : «L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction, il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération.» Après avoir fermé le livre Jésus ajoute : «Aujourd’hui, pour vous, s’accomplit ce passage de l’Écriture. Aujourd’hui, les promesses annoncées dans le passé se réalisent.» Espérance offerte et démarche de foi proposées aux auditeurs de Jésus, comme à chacune et chacun de nous aujourd’hui ! Y croyons-nous vraiment en ce temps de crise ?
Le troisième acte a lieu à Corinthe. Paul s’adresse à une jeune communauté chrétienne fragilisée par des infidélités et, ici encore, par des divisions. D’emblée Paul appelle à l’unité en recourant à l’unité du corps constitué de plusieurs membres qui, ensemble, constituent un seul corps. Et il ajoute : Baptisés dans un unique Esprit, nous sommes le Corps du Christ et chacun, riche ou pauvre, Juif ou païen, esclave ou homme libre est un membre du Corps. .
Question de la transmission de la Parole de Dieu et de la fidélité des chrétiens à l’Esprit du Christ reçu lors du baptême.
Quelques questions pour conclure ! Quelle est la place de la Parole dans nos vies personnelles et dans nos communautés pour nourrir notre foi et progresser dans la communion avec Dieu et entre frères différents ? Quelle est la place de la Bible dans nos réunions, dans nos célébrations où tous se sentent un seul corps ?
Fr. Jean-Albert Dumoulin
Lectures de la messe :
Ne 8, 2-4a.5-6.8-10
1 Co 12, 12-30
Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21