The pool of Siloam at the end of Hezekiah's tunnel is a rock-cut pool on the southern slope of 'the City David' in Jerusalem

La piscine de Siloé

Cet aveugle-né guéri par Jésus a dû être bien étonné : quel remue-ménage a provoqué sa guérison ! Dans son dernier roman, discutable, Amélie Nothomb refait le procès de Jésus et elle imagine que d’anciens miraculés viennent à la barre témoigner contre Jésus, s’estimant lésés. On peut penser que notre aveugle guéri pourrait se plaindre à son tour : sa guérison tourne au rejet, à l’exclusion de la synagogue et sans doute à sa mise à l’écart par sa famille. Cela fait beaucoup…

Quel peut bien être l’intention de l’évangéliste de nous raconter cet épisode, pourquoi aussi cette narration s’est-elle transmise de génération en génération, jusqu’à nous ? Par-delà l’anecdote, ce qui est regardé comme décisif par tout l’Évangile c’est voir, c’est le passage des ténèbres à la lumière, passer de l’aveuglement au regard neuf, voir autrement. Ce n’est pas pour rien que le Cardinal Cardijn a mis au principe du comportement chrétien : voir, juger, agir. Le croyant n’est pas un mystifié mais un éveillé. Voir les germes de vie et d’espérance qui sont là aussi, voir les signes du Royaume, voir ceux et celles qui ne sont pas regardés parce qu’ils sont sur les bords de notre monde.

Si telle est l’intention de tout l’Évangile, alors on s’étonne moins de trouver dans le passage de ce dimanche autre chose que la guérison d’un aveugle.

En effet nous lisons et entendons dans ce même récit évangélique, des paroles de Jésus : « C’est pour un jugement que je suis venu en ce monde : que les non-voyants voient, et que les voyants deviennent aveugles ». Voilà une affirmation péremptoire mais énigmatique qui n’est pas sans rappeler cette autre parole de Jésus : « je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre mais le glaive ». Si l’on entend bien, la mission de Jésus, son Évangile, sa bonne nouvelle ne se ramène pas à la guérison mais comporte un jugement. C’est une mise en cause, une séparation. Nous connaissons une séparation, une répartition entre le bien et le mal, entre les bons et les méchants. C’est une répartition qui nous est familière depuis l’enfance, depuis les films distinguant les bons et les méchants. Ce n’est pas cette répartition que vise Jésus. Il parle de la séparation entre non-voyants et voyants, entre lumière et ténèbres, entre les aveugles et ceux qui croient voir clair. Il y aurait donc aveugle et aveugle.

Mais où est l’aveuglement ? Où est notre aveuglement si du moins cet évangile nous concerne encore…Aveugle à quoi ? Et voir clair ?

Peut-être de pouvoir reconnaître la bonté et la vie d’où qu’elles viennent lorsqu’elles sont là. La vie invente, et la bonté est ce qui la renouvelle et la reverdit. Elle ouvre les yeux, elle voit ce qui est à voir et comme cela, elle maintient l’existence en état d’ouverture. Tel est Jésus : que la vie puisse inventer, puisse s’inventer plutôt que d’être sur des rails.

Qu’est-ce qui aveugle ? Qu’est-ce qui rend aveugle ? Au point qu’on n’est plus capable de voir l’évidence, la nouveauté bonne qui est sous nos yeux. Quand nos croyances, nos certitudes, nos ceintures de sécurité, nos jugements deviennent des filtres, des œillères, des préjugés. De la nouveauté est là, de la guérison est là. Mais on ne veut pas le reconnaître. Cela ne change rien dans notre vie.

Il serait sans doute excessif de dire que Jésus suscite la violence parce qu’il a guéri un aveugle mais le récit nous laisse devant cette constatation, celle de la violence qui vient sur les pas de la bonté. Mais pourquoi ? L’amour ne serait-il pas aimé ? Je ne sais quel auteur, quel poète a dit cela. Nous le demanderons à l’escapade littéraire…

Terminons bien entendu en ce dimanche où la littérature est à l’honneur par une citation : « La croissance du bien dans le monde dépend en partie d’actes qui n’ont rien d’historique et, si les choses vont moins mal qu’elles ne le pourraient pour vous et pour moi, on le doit au nombre d’êtres qui mènent fidèlement une vie cachée avant de se reposer dans des tombes délaissées ». –

Fr. Hubert Thomas

Lectures de la messe :
1 S 16, 1b.6-7.10-13a
Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6
Ep 5, 8-14
Jn 9, 1-41)

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