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Le mal est bien là, sous des formes diverses. Chaque jour, il en est question dans les faits divers. Mais je trouve personnellement exécrable cette expression « faits divers », lorsqu’il s’agit de la mort des personnes. Est-ce donc un fait divers ? 

On vient rapporter à Jésus ce qui s’est passé : des gens ont été massacrés sur l’ordre du gouverneur romain Pilate, d’autres ont été ensevelis sous les décombres de la chute d’une tour. 

Y a-t-il des explications ? On veut des explications, on veut des noms. On veut du sens. Jésus sait qu’il y a une explication qui tourne dans les esprits de son époque. Ces gens-là qui sont morts brusquement, d’une mort qui n’est pas habituelle, dans un lit ou dans un fauteuil, sont des pécheurs. Leur mort est une punition, un châtiment. Et si nous sommes en vie, qui sommes vivants, eh bien c’est que le bon Dieu nous a épargnés. Si nous sommes en vie, c’est que nous sommes du côté des bons, nous sommes des gens bien. C’est la doctrine de la rétribution.  

Mais Jésus refuse cette façon de voir, cette répartition ; il ferme la porte et par deux fois dit « non ». Un « non » pour qu’on stoppe les réponses toutes faites et qu’on laisse sa place à la question : pensez-vous que… ? 

Bien sûr, nous, gens du XXIe siècle, nous ne sommes plus du tout dans cette conception de la rétribution. Cela ne nous dit plus rien. Mais, nous avons aussi nos petites conceptions, nos doctrines, nos petites répartitions du bien et du mauvais. Regardez un peu tout ce que je fais, tout ce que je fais de bien alors que celui-là ou celle-là (de l’écriture inclusive, cher frère) se la coule douce. Ah si je pouvais enlever la paille de son œil afin qu’il (elle) voit un peu les choses en face. Chacun de nous a ainsi sa petite doctrine de la rétribution, ses croyances bien ancrées, ses répartitions.

Jésus après avoir dit « non » appelle à se convertir, renvoyant chacun à ceci : qu’est-ce qui fait de moi un vivant, suffit-il d’être du bon côté, le bon côté que l’on a soi-même défini ? Être un vivant, c’est autre chose.

Jésus dit qu’il s’agit de se convertir. Or ce qui est étonnant, c’est qu’il ne dise pas ici ce que c’est « se convertir ». Il se laisse aller à raconter une histoire dont on ne voit pas bien comment elle se rattache à ce qui précède : le mal, la mort. Et en effet, c’est bien de là qu’on est parti : que faire devant le mal, avec le mal ? Y a-t-il une bonne nouvelle finalement ? Que vient donc faire cette histoire d’un figuier ? Cette parabole serait-elle comme une clé d’interprétation, une clé de sens ? 

Et si se convertir, c’était relancer la vie ? Que celui qui a des oreilles, qu’il écoute. C’est ce qu’il faut faire devant une parabole, celle du figuier, par exemple. 

Cette histoire de figuier, voilà en tout cas une histoire qui parle autrement, qui parle d’autre chose que des méfaits du mal, qui parle de vie. 

Cette histoire raconte une pratique, un soin à propos d’un figuier. Faut-il le couper puisqu’il ne porte pas de fruit ? Faut-il le soigner encore ? C’est comme si Jésus nous racontait cette parabole qui parle de se décider, de faire quelque chose ; se saisir d’un possible, d’un possible à saisir. 

Cette parabole insiste plus sur l’intendant qui veut relancer la vie comme féconde, rechercher les fruits, porter des fruits. Voilà une préoccupation qui traverse tout l’Évangile. Donner du fruit, donner la vie, donner de la vie. Autre chose que le souci d’être bien vu, reconnu, tranquille. C’est du côté de donner sa vie. 

Mais avez-vous remarqué que dans cette petite parabole il y a un « peut-être ». Peut-être que ce figuier va donner des fruits. Peut-être ? Rien n’est gagné d’avance. On compte avec le temps mais cela pourrait échouer. 

En tout cas, voilà une histoire qui devant le mal du monde ne se lance pas dans des explications. Il y a le mal et ses méfaits, ses histoires. Et cela nous glace, nous fige, nous démobilise. Peut-être que ce qu’il faut faire, c’est relancer la vie. 

Je remarque aussi dans cette parabole que tout se déclenche à partir d’un échange de paroles, à partir d’un dialogue. Choisir de relancer la vie, c’est une conviction mais elle ne s’impose pas : faut-il couper ce figuier ? Faut-il le soigner, creuser la terre, mettre du compost. Qui a raison ? 

La parabole ne dit pas qui a raison, qui aura eu raison : le propriétaire ou le vigneron qui s’est obstiné ? Et je me demande pourquoi elle se termine ainsi. Y aurait-il quelque chose qui nous échappe ? Mais quoi ? Avez-vous une idée ? 

Fr. Hubert Thomas

Lectures de la messe :
Ex 3, 1-8a.10.13-15
Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 6-7, 8.11
1 Co 10, 1-6.10-12
Lc 13, 1-9

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