1er dimanche de l’Avent A
27 novembre 2016


Is 2, 1-5
Ps 121
Rm 13, 11-14a
Mt 24, 37-44

  

Pendant la première partie de l’Avent, la préface de chaque eucharistie le rappelle : le Christ, notre Seigneur, « est déjà venu, en prenant la condition des hommes, pour accomplir l’éternel dessein de ton amour et nous ouvrir le chemin du salut ; il viendra de nouveau, revêtu de sa gloire, afin que nous possédions dans la pleine lumière les biens que tu nous as promis et que nous attendons en veillant dans la foi ». Il est déjà venu, il n’est plus nécessaire de nous préparer à sa naissance, à son incarnation. Mais il viendra de nouveau et c’est à son retour que l’Avent nous prépare. Nous sommes tendus vers ce deuxième avènement, nous appelons l’aurore qui doit se lever sur la longue nuit du monde. Les chrétiens ont la vocation d’être des veilleurs, qui rappellent que la nuit aura une fin et qui cherchent à presser l’aube. C’est notre mission tout au long de l’année, mais l’Avent vient nous le rappeler au début de la nouvelle année liturgique, en espérant que nous ne l’oublierons pas trop vite au fil des mois.

Voilà ce qu’on peut dire chaque année au début de l’Avent. Mais je me suis demandé s’il ne faudrait pas dire autre chose, cette année. Quelque chose de plus. Il ne suffit plus d’attendre que le Seigneur vienne de nouveau, revêtu de sa gloire, à la fin des temps. Notre monde n’a-t-il pas besoin d’une autre espérance, plus immédiate ? Plusieurs conversations de ces dernières semaines, de ces derniers mois, m’ont donné à le penser.

Nous entendons dire que le monde va mal, que l’état de la planète est effrayant. Nous sommes inquiets devant la violence aveugle. Si on parvient à neutraliser l’État islamique, le poison qu’il a distillé dans de jeunes consciences risque bien de continuer à se répandre et à perpétuer son œuvre de mort. Les campagnes électorales sont affligeantes et nos vieilles démocraties paraissent à bout de souffle. Le rêve européen s’épuise et on ne voit guère de Robert Schuman capables de lui rendre une âme. Nos systèmes économiques engendrent plus d’inégalités que de sécurité, notre argent n’est plus qu’une fragile convention, des chiffres sur des écrans d’ordinateur. Rien de tout cela n’est très réjouissant et on a un peu l’impression d’être réduit à l’impuissance. On s’assied au bord du gouffre et on attend que tout s’effondre.

Mais on peut aussi prêter son attention à autre chose. Un peu partout fleurissent des initiatives citoyennes. Des gens se mettent ensemble, unissent leurs efforts et leurs espoirs, choisissent de consommer moins et mieux, prennent soin de la terre, partagent des potagers, échangent des services et des compétences, adoptent une monnaie locale, créent un nouvel art de vivre, tissent de nouveaux liens. Ils redisent, probablement à leur insu, ce que Lanza del Vasto prêchait au milieu du siècle passé, sans qu’on le prenne vraiment au sérieux. Ils le redisent sans faire de bruit et on finit par les entendre, publier des livres, produire des films documentaires. Un monde différent germe sous nos pieds, prêt à prendre le relai de l’autre quand il s’écroulera. J’écoute ce bruissement, ce fourmillement, et il me vient à l’esprit une phrase de l’évangile de Luc entendue au cours de l’année liturgique qui s’achève : « Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin » (Lc 21, 9). La fin d’un monde ne sera pas la fin du monde. N’est-ce pas sur ce monde intermédiaire que devrait aussi porter notre espérance ?

Nous allons fêter la naissance de notre Sauveur : sa victoire sur le mal est définitive. « Nous attendons les cieux nouveaux, la terre nouvelle, où règnera la justice » : Dieu nous les a promis et il ne peut pas nous décevoir. Mais entre ces deux avènements, il nous appartient de bâtir sans plus attendre un monde meilleur. Ce peut être à son propos qu’il vient de nous être dit : « C’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de votre sommeil. La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Revêtons-nous des armes de la lumière. »

 

Frère François Dehotte

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