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Dès la première lecture, Amos, un berger originaire du royaume du sud d’Israël, mais habitant dans le royaume du nord, conscient de la situation sociale et politique de son époque, tonne comme l’orage dans le ciel. Alors que le royaume du nord connaît une époque de paix amenant bien-être et progrès, Amos dénonce avec vigueur les multiples inégalités entre les citoyens, associées à la corruption . « Écoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles du pays… Bien que célébrant le sabbat, vous souhaitez qu’il soit fini afin de récolter votre froment.Vous diminuez les mesures et augmentez les prix et faussez les balances.Vous achetez le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Vous vendez jusqu’aux déchets de blé. » Étranger, homme de convictions et de liberté intérieure, il se démarque de l’attitude fataliste de ses contemporains du royaume du nord  ! Au nom de sa foi en un Dieu qui refuse pareille attitude entre ses fils, Amos dénonce l’appât du gain chez les nantis voulant toujours plus quitte à exploiter les pauvres, les plus fragiles ! » Il invite au changement!

Qui parmi nous pourrait dire que la convoitise lui est étrangère quand il s’agit d’argent et de pouvoir? Expérience de vie traversant les époques, les cultures, les religions ! Dénonciations faites aujourd’hui encore par des femmes et des hommes prenant des risques en présence d’injustices et d’abus de pouvoir au détriment des personnes et tout particulièrement des plus démunis ! Même l’organisation des jeux olympiques conçus pour rapprocher les humains et créer des liens entre eux n’y échappe pas !

Il est encore question d’argent, de notre rapport à l’argent dans la parabole racontée par Jésus . En cela, il rejoint cette fois les pharisiens, personnes de son entourage aimant l’argent. En lien avec l’argent est évoqué le problème du renvoi du gérant. Qui parmi nous n’a jamais vécu cela au niveau personnel, en famille, dans son entourage. Expérience entraînant souffrance, désarroi, honte, dépression … ! Serge Maucq, dans son commentaire, affirme que c’est alors souvent le temps de la débrouille pour celui qui y est confronté, avec des appels, des S.O.S., lancés à des amis, à des connaissances. Cela peut durer longtemps !

Il s’agit, une fois encore, de l’histoire d’une victime de licenciement refusant la fatalité et faisant preuve de résilience, ayant envie d’en sortir en récompensant ceux qui pourraient l’aider. Pour ce faire, il les délivre d’une partie de leur dette en faisant de fausses factures, en recourant à de l’argent qui ne lui appartient pas. Richesse qui sert aussi à autrui et qui les responsabilise ! Ici l’argent circule, il n’est plus l’absolu mais est au service du maintien de relations.

Or Jésus fait l’éloge de cet intendant astucieux ! Cela nous choque et nous intrigue à la fois ! Jésus s’écarte de la stricte morale pour une autre logique, celle de la relation !

Serge Maucq a l’audace de rapprocher cette attitude de Jésus de celle du fils prodigue ayant exigé sa part d’héritage du vivant de son père pour ensuite la dépenser ! Il y a toutefois une différence ; le fils prodigue a tout dépensé pour son plaisir, l’intendant remet des dettes pour être sûr de s’en sortir, pour sauver sa famille . Il utilise le temps qu’il lui reste pour transformer les débiteurs de son maître en débiteurs envers lui. En quelque sorte il entre dans une relation de donnant-donnant. Jésus laisse entendre que les fils de lumière auraient baissé les bras et se seraient résignés à leur situation en se disant : «Je n’ai que ce que je mérite.» Dieu pourrait-il être miséricordieux à ce point vis-à-vis d’un pécheur en souffrance ? La misère devenant Corps de Dieu ?

Si le comportement de l’intendant peut se comprendre aux yeux du monde, pour Jésus, un fils de la lumière agit autrement. « L’argent n’est-il pas trompeur s’il est vrai qu’il est si facile d’effacer une dette par un simple jeu d’écriture et de tromper une nouvelle fois le créancier ? «  Or accueillir l’amour gratuit de notre Père des cieux se vit dans une relation de confiance réciproque dans les petites comme dans les grandes choses. C’est aussi assumer notre rôle de fils et de filles bien aimés du Père dans la société et le monde ! A ce propos, n’est-il pas temps de rendre des comptes, de réfléchir bien mais vite au salut final plutôt qu’à gaspiller sa vie ou de payer les dégâts occasionnés en recourant à l’argent ? Dans ce cas, l’argent devient un absolu. On ne peut servir le maître de la création et la respecter si l’on peut tout se permettre avec l’argent

Que dirait un Amos aujourd’hui ? Et nous, où en sommes-nous en ce domaine ?

Fr. Jean-Albert Dumoulin

Lectures de la messe :
Am 8, 4-7
Ps 112 (113), 1-2, 5-6, 7-8
1 Tm 2, 1-8
Lc 16, 1-13

 

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