L’heure est venue…Voilà une expression qui donne le ton. Jésus est bien conscient que son chemin débouche sur la mort et que ce sera une mort à la manière de sa vie qui n’a pas été un long fleuve tranquille.
Pour nous, l’heure est venue…eh bien d’écouter la petite parabole qui est cachée dans le corps de cet évangile : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Cette petite parabole qui arrive comme cela au milieu de ce passage, avec son image simple m’a accroché. Une parabole est toujours une clé d’interprétation, elle ne donne pas une explication à la raison mais indique comment comprendre, par où entrer. En tout cas, elle nous est donnée à écouter. Peut-être que Jésus lui-même n’a pas dit cette parabole mais qu’on l’a mise sur ses lèvres et ce n’est pas par hasard. En effet comment fallait-il interpréter la mort violente de Jésus ? Comment comprendre que sa vie débouchait ainsi sur un rejet et sur de la violence ? A la façon de bien des paraboles, cette parabole-ci part d’une image-force qui est celle de la graine qui peut germer et donner fruit. Cette image attire notre attention sur la vie, sur le vivant, et comme telle, elle véhicule la bonne nouvelle. Ce que nous dit en effet cette parabole c’est que la vie est faite pour l’emporter. Etonnamment, cette graine minuscule a de quoi germer et produire du fruit. Etonnamment, la vie porte en elle une puissance de germination et de fécondité qui surprend et qui vient contredire la médiocrité et le mal dans le monde. C’est une bonne nouvelle qui s’infiltre dans toutes les mauvaises nouvelles. Voilà une parabole qui attire notre regard sur la puissance de la vie et ses germinations. Veillez, nous dit-elle, sur les germes de vie, ne vous laissez pas décomposer par les mauvaises nouvelles et tout ce qui ne va pas. Partez plutôt de l’expérience de la vie elle-même. En vous, autour de vous.
Mais la parabole dit davantage. Elle dit que la mort n’est pas un anéantissement pur et simple mais une métamorphose de la vie : la graine en mourant est féconde, elle porte du fruit et beaucoup. On peut donc comprendre que cette petite parabole est évangélique, elle exprime à sa façon la bonne nouvelle : la mort est mystérieusement une des transformations de la vie elle-même, une manière pour la vie d’encore repartir, de se relancer, de resurgir. La vie qui reste fidèle à elle-même. Saint Paul reprendra l’image pour essayer de dire la résurrection de la chair à ceux qui la contestent. Pour autant, la parabole ne simplifie pas ; elle ne dit pas que mourir et accepter de mourir est facile. Elle dit : si le grain ne meurt pas, il reste seul, il ne porte pas de fruit. Ce n’est pas une explication qui viendrait effacer toute question ou qui supprimerait la rupture que comporte toute mort, celle de nos proches et la nôtre. Mais il s’agit de redire que la vie a de quoi l’emporter. Elle peut l’emporter si, comme l’a fait Jésus, nous entrons dans le consentement et dans une vie donnée. La suite de notre évangile l’exprime : « Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache la garde en vie éternelle ». C’est autre chose que l’adhésion à une croyance, c’est un style de vie qui fait le choix du don et de la dépense plutôt que de la conservation. Encore une fois, on ne nous cache pas qu’au cœur de tout cela il y a une perte, une dépense. Ce qu’on nous dit c’est que pour passer par là, pour passer par la perte, il faut entrer dans la vie. D’abord…Voilà une parabole qui est aussi messianique, elle nous parle de l’avenir, de ce qui peut donner de l’avenir à la vie. Dans ce qui arrive à Jésus, dans l’événement de Jésus, se joue une histoire de salut, une histoire de vie. On peut donc se fier à ce qui nous est livré là. Parmi toutes les voix qui parlent dans le monde, il y a celle-ci : « Je l’ai glorifié ».
Fr. Hubert Thomas
Lectures de la messe :
Jr 31, 31-34
Ps 50 (51), 3-4, 12-13, 14-15
He 5, 7-9
Jn 12, 20-33