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Chers frères et sœurs,

Matthieu parle en paraboles. Cela fait trois semaines d’affilée qu’on lit l’une parabole après l’autre, d’abord celle des deux fils (l’un qui dit oui à son père, mais n’agit pas en conséquence ; l’autre qui dit non, mais se reprend, et agit tout de même pour faire la volonté de son père) ; puis il y avait, la semaine dernière, la parabole des vignerons qui tuent le fils unique ; et aujourd’hui on assiste à la fête des noces du fils du grand Roi. Les trois paraboles ensemble forment un grand arc chez Matthieu. Le début est donné avec la prédication de Jean le Baptiste et le refus de certains. Le milieu de l’histoire est illustré par le rejet du fils messianique, le dernier envoyé, et la fin de tout apparaît avec la fête du fils qui se marie. Là, s’accomplira, au dénouement de l’histoire, un tri : l’un sera pris, l’autre rejeté. Matthieu a hérité du trésor des paraboles de Jésus, ce langage imagé avec une profondeur toujours quelque peu mystérieuse. Il s’en sert avant tout pour en faire de grandes catéchèses où l’on apprend le sens de la vie, sa beauté et ses exigences.

Dans cette troisième parabole il apparaît que Dieu veut la fête. Il relance son invitation à plusieurs reprises : « Venez à la noce ! ». La question demeure : voulons-nous la fête, voulons-nous la fête de Dieu ? Sommes-nous prêts, bien disposés, capables d’y donner toute la priorité ? Ou vivons-nous avec tant de soucis et préoccupations que l’écho de l’invitation à la fête ne nous parvient plus… Ou encore, suroccupés, nous nous considérons comme excusés ?

La fête est généreuse, dans la vision de Jésus. Tout le monde est le bienvenu ! « les mauvais comme les bons », dit l’évangéliste Matthieu. Seulement, il nous le rappelle, il y aura un tri inéluctable. Nul ne vient à la fête sans porter la robe, le costume, l’accoutrement approprié pour La Fête ! Il y a donc un critère à respecter. On n’entre pas sans plus. On est peut-être surpris en entendant ce dénouement assez terrible. C’est comme pour les dix vierges avec leurs lampes dans la nuit. Cinq sont prises, et cinq sont renvoyées parce que celles-ci n’avaient pas pris de l’huile avec leur lampe ! Qu’est-ce que l’huile ? Qu’est-ce que le vêtement de noce, approprié à la Fête ? Pour Matthieu le message est clair : le chrétien baptisé, qu’il soit Juif ou païen, méchant ou bon, s’il veut entrer dans la salle de fête, la salle des noces, doit avoir eu une conduite conforme à l’enseignement de Jésus, à savoir : « Tout ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! » Voilà le critère : l’hospitalité, le souci du malade, du prisonnier, de l’étranger, de l’hôte de passage, du réfugié…

Chers frères et sœurs,

Vivons bien. Vivons dignes en tout d’une fête à venir. N’oublions pas l’exigence finale, le critère des critères : l’action engagée à l’égard du « plus petit de mes frères ou de mes sœurs ». Ne les cherchons pas trop loin, ces plus petits qui sont comme la prunelle des yeux de notre Maître. Ils sont à côté et au milieu de nous.

Le jésuite italien Paolo d’all’Oglio, travaillant en Syrie, et porté disparu depuis plusieurs années, raconte à la fin de son livre sur l’islam et son amour pour la religion musulmane, l’histoire suivante. À la porte du ciel on n’entre pas n’importe comment. Voilà qu’arrive un bon moine pieux, mais il se voit refusé l’accès. Puis vient un juif orthodoxe d’Anvers, bien reconnaissable et lui aussi est renvoyé dehors ; enfin vient un musulman shi’ite très soigné, au turban noir sur la tête. Tous ont entendu la même question : « Où est ton ami ? » « Ici on n’entre pas seul. C’est fini. On entre avec un ami de l’autre religion ! » Tous les trois se trouvent sur le pas du paradis, renvoyés à l’extérieur. Ils s’interrogent et s’interpellent mutuellement : « On a changé les lois ! Aujourd’hui on change tout, même ici en haut ! » Un des trois dit : « Mais c’est pire que pour entrer dans la communauté européenne ! » Un autre laisse tomber : « Non, ce n’est pas pire, c’est juste le contraire : on entre dès qu’on a un ami ! Alors, frappons à trois à la porte d’un coup ! » « Bonne idée, ça sera une fête ! »

Et quelle fête !

Chers amis, restons tous vigilants et ouvrons-nous à la fête du Dieu universel qui ne veut exclure personne. Seul celui qui refuse son universalité, s’exclut lui-même. Nous sommes avertis ! Vivons dignement notre vocation et accueillons la béatitude : heureux les invités à la Fête Dieu, le repas de noces que Dieu a préparé pour son Fils. Dès maintenant et ici même, car l’eucharistie est déjà cette fête à lui qui annonce la toute grande fête de la fin. Amen.

Fr. Benoît Standaert

Lectures de la messe :
Is 25, 6-10a
Ps 22
Ph 4, 12-14.19-20
Mt 22, 1-14

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