Petitesse et grandeur
« Aujourd’hui, notre terre a envoyé un don précieux au ciel, pour que d’heureux liens d’amitié unissent les hommes à Dieu, la terre au ciel, la petitesse à la grandeur ». Saint Bernard écrivait cela dans les temps troublés du douzième siècle. Notre époque a autant besoin qu’en ce temps-là des liens d’amitié entre la petitesse et la grandeur ! Petitesse alliée à la grandeur : c’est peut-être la raison pour laquelle la fête du 15 août connaît un réel succès populaire, notamment dans les innombrables sanctuaires ou simples lieux de dévotion dédiés à Notre-Dame. Il y a là sans doute le pressentiment plus ou moins conscient qu’en Marie c’est tout le peuple des pauvres que Dieu vient couronner. Dans sa petitesse, parce que Dieu s’est penché sur son humble servante, beaucoup de pauvres et de petits peuvent se reconnaître. La béatitude exprimée par Elisabeth – heureuse celle qui a cru à la parole du Seigneur – annonce les béatitudes du sermon sur la montagne : heureux les pauvres, ceux qui pleurent, les doux, les affamés de justice… Ou encore la béatitude dite à l’apôtre Thomas : heureux ceux qui croient sans avoir vu. C’est le même bonheur, puisé à la même source, la confiance en un Dieu d’amour.
Quand la conscience de notre petitesse se marie à la foi en l’immensité de l’amour du Père, se réalise la merveille qui fait chanter Marie et qui fait chanter toute l’humanité à sa suite : le Seigneur a fait pour moi des merveilles ! La foi soulève les montagnes que la raison accumule quand elle cherche à tout expliquer. La jeune fille de Nazareth ne comprend pas ce qui lui arrive quand on lui demande de devenir la mère du Très-Haut, et de la crèche à la croix en passant par Cana, de nombreux comment et pourquoi restent pour Marie sans réponse claire. Mais la confiance domine et la louange déborde.
Espérance et émerveillement
C’est une première leçon que nous pouvons recueillir de la mère du Seigneur et de tout l’évangile pour notre monde désenchanté. De nombreux comment et pourquoi se posent, par rapport à l’avenir de notre planète, à la violence et au terrorisme, à l’économie de marché et aux migrations, à la bioéthique et à la sexualité, à l’Eglise et à l’Islam…Toutes ces questions pourraient conduire au découragement et à la démobilisation, ou au contraire à un acharnement désespéré. Marie nous invite à la suivre sur le chemin de la confiance, de l’espérance et de l’émerveillement. Toute sa vie, elle a été capable d’assumer dans la lumière de la foi ce qu’elle avait à vivre.
Le mot ‘assomption’ vient du verbe assumer : ce que nous fêtons aujourd’hui, c’est que toute la vie de Marie est assumée par Dieu dans la gloire du Christ ressuscité, dans le Royaume éternel. La foi qui conduit la mère de Jésus tout au long de sa vie terrestre trouve son couronnement dans sa vie nouvelle ressuscitée. C’est la même trajectoire pour nous dans la mesure où nous partageons sa foi. Et c’est la même trajectoire qui est promise à toute la création. D’où notre émerveillement devant l’œuvre de Dieu. Nous pouvons nous réjouir : avec l’auteur de l’Apocalypse, car le dragon de tous les maux n’est pas victorieux de la femme ; avec Élisabeth, dont l’enfant tressaille d’allégresse ; avec Marie elle-même et toute la descendance d’Abraham. car Dieu finit toujours par accomplir ses promesses.
Abbé René Rouschop
Lectures de la messe :
Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab
Ps 44, (45), 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16
1 Co 15, 20-27a
Lc 1, 39-56