Dieu sait combien d’appels téléphoniques et de sms auront été envoyés lors de la récente saint-Sylvestre ? Combien d’appels, combien de « je te rappelle » ? Pourquoi pas ? On fait ce qu’on peut avec ses attachements, ses envies, ses peines, ses difficultés de vivre… On les transfère, on les fait passer ailleurs pour que ça passe, que ça se passe mieux.
La Bible elle-même est pleine d’appels et de rappels et c’est comme si Dieu était un foyer d’appels et de rappels. On l’appelle à l’aide, on le rappelle et lui-même envoie des appels et des rappels. Bien sûr, en parlant ainsi on utilise des métaphores…Peut-on faire autrement : la Bible est une vaste métaphore ? Une grande métaphore à interpréter pour comprendre le monde, pour se comprendre, se faire comprendre.
Or aujourd’hui dans les textes bibliques écoutés, il est notamment question de Dieu qui appelle le petit Samuel dans son sommeil. La manière dont les choses sont racontées n’est pas quelconque. Elle indique un chemin de discernement.
Voilà donc le petit Samuel qui, dans son sommeil, entend un appel, quelque chose qui en lui se fait insistant: il y a une attirance. Après tout, dans nos rêves parlent nos aspirations, ce que nous voudrions être, ce que nous aimerions devenir…On pourrait aussi dire que Samuel représente en nous la part d’intuition, d’invention, de créativité, celle qui entend innover, sortir des sentiers battus, aller vers des commencements. Pourtant le prêtre Eli fait bien d’abord de le renvoyer se coucher, quand il est l’heure de dormir. Car toutes les exaltations ne sont pas signes de l’Esprit saint. Et s’il fallait prendre au pied de la lettre les voix qu’un enfant entend dans la nuit !
Samuel apprendra donc du vieil Eli, un vieux prêtre auquel on ne raconte plus trop vite des histoires saintes qu’il ne suffit pas de dire: « Tu m’as appelé, me voici ». Il est sage d’ajouter: « parle, Seigneur, ton serviteur écoute ». Comme si un écart, un report était nécessaire, laisser du temps. Et c’est souvent quelqu’un d’autre qui doit nous le rappeler et nous remettre en chemin.
L’évangile de son côté, nous rapporte la rencontre d’André et Simon avec Jésus. C’est aussi un appel et rien ici n’est simplet non plus. André et Simon, eux, ce n’est pas dans leur sommeil ni dans leur enfance qu’ils entendent une parole qui les appelle. A quatre heures du soir et dans un âge déjà adulte, ils sont remis en route. Tant il est vrai que Dieu vient en toute heure et à tout âge. Ils avaient déjà leur métier, ils avaient déjà leur religion faite…
Pourtant, ils acceptent de s’entendre dire: « que cherchez-vous ? ». Tout démarre et tout recommence par cette question décisive : « que cherchez-vous ? ». L’on est renvoyé à son désir. Comme Samuel, les disciples de Jésus vont devoir faire tout un chemin d’apprentissage et de discernement. Et d’abord, ils viennent avec leur question personnelle, ils veulent en savoir plus: « où demeures-tu ? », demandent-ils à Jésus.
C’est en demeurant là avec Jésus, en l’accompagnant qu’ils en sauront plus. Il faut venir et voir, vivre avec. Si André peut parler de Jésus à son frère Simon, c’est pour avoir accompagné et suivi Jésus ce jour-là et un jour après l’autre. Venir : c’est se déplacer, c’est prendre le chemin. Et il s’agit aussi de voir, de regarder. Car on pourrait manquer de regard, ne pas voir ce qu’il faudrait voir.
Ce qui nous est raconté, c’est comment le Seigneur mobilise une vie, la remobilise, la relance, la renomme et lui donne un nouveau nom, un nom nouveau. La façon dont les choses sont racontées suggère que nous ne sommes pas dans la magie ou le coup de foudre. Les disciples appelés sont questionnés, eux-mêmes questionnent : « où demeures-tu ? » et à leur question, pas de réponse immédiate. « Venez et voyez ». Cela passe par une expérience, une traversée. Tant il est vrai aussi que le Seigneur est pour le corps (pas seulement une affaire d’idées, une affaire de tête pensante…), comme dit la deuxième lecture. Que conclure ? Parce qu’il est créateur, créatif et inventif, le Seigneur nous confie une mission personnelle, il appelle. Pince sans rire, le frère François nous prévient dès l’entrée : dans cette église, Dieu pourrait nous appeler mais pas par téléphone …
Fr. Hubert Thomas
Lectures de la messe :
1 S 3, 3b-10.19
Ps 39 (40), 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd
1 Co 6, 13c-15a. 17-20
Jn 1, 35-42