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Deux barques

La barque de Simon Pierre était vide, et celle de ses associés aussi. Après toute une nuit de pêche sur un lac pourtant poissonneux. Or ils connaissaient leur métier. Et voilà que peu de temps après, les deux barques sont pleines à craquer. Ils ont eu la pêche, comme on dit…

La barque de notre Église nous paraît souvent vide aujourd’hui en Europe. Sur des régions qui ont pourtant une longue histoire chrétienne. Malgré les réformes et les restructurations, les projets et les conseils de toutes sortes. Et pourtant il y avait 150.000 personnes à la messe du pape à Abou Dahbi, au cœur de l’Arabie musulmane, et 700.000 jeunes aux JMJ à Panama. Où sont les jeunes ce matin dans notre assemblée ?

Moments forts

Il est trop simple de poser la question de la foi de cette manière. Ce n’est pas une question de marketing ni de nombre d’adhérents. La foi ne se transmet pas par héritage ni par effet boule-de-neige, fût-ce via les réseaux dits sociaux… Cependant, nous avons besoin de moments forts pour entendre l’appel du Seigneur et y répondre personnellement. C’est ce qui est arrivé à Simon, à Paul, et à Isaïe, comme nous venons de l’entendre.

Ce qui me frappe d’abord, c’est la diversité des situations où l’appel de Dieu retentit. Simon Pierre est touché dans son activité quotidienne, marquée à ce moment par un gros échec. Pour Paul le voyageur intrépide, c’est sur la route : une route qu’il a prise pour persécuter Celui qui va le convertir. Quant à Isaïe, diplomate de la cour du roi, c’est la splendeur de la liturgie du Temple qui va le frapper d’émerveillement et de stupeur.

Diversité des situations mais similitude des réactions : après la surprise et l’étonnement, il y a le recul, l’effroi, le frisson de celui qui se trouve tout à coup submergé par le choc de la découverte – un peu comme le frisson de l’amoureux ou de l’artiste. « Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures » dit le futur prophète. « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur » dit Pierre. Tandis que Paul évoquera plus tard « l’avorton que je suis, moi le plus petit des apôtres ». La découverte de la grandeur divine entraîne la découverte de la petitesse humaine…

L’œuvre du Seigneur

Bien sûr l’histoire ne s’arrête pas là. Dieu reprend l’initiative : « sois sans crainte, ton péché est pardonné », et Isaïe répond : « me voici, envoie-moi ». Quand Jésus lui dit « avance au large », Simon fait remarquer qu’ils ont déjà bossé toute la nuit, mais « sur ta parole, je vais jeter les filets » ; et après avoir ramené les barques au rivage, « laissant tout, ils le suivirent ».

Remarquons l’ordre suivant lequel tout cela se déroule. Ce ne sont pas les hommes qui prennent l’initiative de faire pour Dieu quelque chose de spectaculaire. C’est Dieu qui prend l’initiative de toucher le cœur, l’imagination, les sens de l’homme. Puis, après un temps d’arrêt et de réflexion, et surtout après une parole divine qui lui rend confiance, l’homme – ou la femme quand il s’agit de Marie, Marie-Madeleine ou la Samaritaine par exemple – l’appelé devient apôtre, envoyé pour réaliser non plus son œuvre propre mais l’œuvre du Seigneur. Et la réponse à cet appel ne supporte pas de demi-mesure…

C’est donc à la confiance et à l’espérance que nous sommes appelés. Au-delà des apparences. Malgré nos parties de pêche peu productives, nos limites personnelles ou la fragilité de nos assemblées, le Seigneur poursuit son œuvre. Mais pas sans nous. Que l’étonnement joyeux, l’espérance et l’action de grâce habitent notre prière et notre vie.

Abbé  René Rouschop

Lectures de la messe :
Is 6, 1-2a.3-8
Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 4-5, 7c-8
1 Co 15, 1-11
Lc 5, 1-11

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