De grandes foules faisaient route avec Jésus. Lui, comme les autres, marchait. Soudain, il s’arrête, se retourne et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer … » Préférer, avec la conscience qu’aller vers Jésus, c’est marcher à sa suite, prendre sa croix.
Faire des choix est indispensable dans la vie. Nous, comme les deux hommes des petites paraboles, nous sommes invités à nous asseoir et à méditer en quoi consiste notre marche vers Jésus. Cela suppose une conversion réalisée avec lucidité, c’est prendre notre vie chrétienne au sérieux.
Ainsi Paul, dans sa lettre à Philémon, fait appel à la liberté, en tant que chrétien, laissant à Philémon la décision concernant le sort d’Onésime. Lui, pour des raisons inconnues, fuit la maison de son maître. Paul ne veut pas bouleverser l’ordre social, mais avec beaucoup de délicatesse, manifeste la dignité de tout être humain.
Les toutes petites paraboles que nous avons entendues, sont deux exemples différents, mais l’enseignement est le même. Celui qui entreprend un projet important sans y réfléchir, sans analyser ses moyens et ses forces, court le risque de subir un échec. Aucun fermier ne se met à construire une tour pour protéger ses vignes, sans avoir fort réfléchi et sans être sûr de son coup, jusqu’à l’achèvement de son projet. De même, le roi qui veut faire la guerre, devra lui aussi s’asseoir et réfléchir.
Notre évangile nous parle de construire la vie, et comment suivre Jésus avec lucidité, responsabilité et décision. Notre évangile nous parle aussi de l’Église et de notre engagement en ce moment où tout paraît s’écrouler. Il faut réfléchir en connaissance de cause. Jésus marche vers sa passion librement acceptée. Pour nous, suivre le Christ, c’est un travail qui prend toute la vie. La Règle de saint Benoît nous invite à ne rien préférer à l’amour du Christ. C’est que saint Benoît est fort christocentrique. Dans sa Règle, le nom de Jésus n’apparaît jamais : c’est toujours par le titre du « Christ » que Benoît désigne Jésus, le messie incarné.
Quant à la tour à construire, qui n’a pas de projets à réaliser, un travail à chercher, des études à poursuivre, et même des vacances à planifier -bien sûr, pour l’année prochaine ? En effet, nous voici déjà au début de septembre… c’est la rentrée.
Le psaume également nous invite à réfléchir sur la vie. Elle est courte. Réussir notre projet de vie, ce serait l’idéal, de même que passer nos jours dans la joie et les chants, serait la réussite d’un projet édifié avec Dieu, dans la lucidité, si nous avons l’amour de Dieu, lumière dans nos vies, accompagnés de sa Parole comme d’une lanterne pour les moments obscurs qu’il nous faut traverser.
La lecture de l’évangile m’a surpris, car deux versets ont été omis à la fin. En fait, ils constituent encore une nouvelle petite parabole, qui nous dit que si le sel se dénature, il ne sert plus à rien. Alors, il faut le jeter dehors. Pour moi, cette comparaison est intéressante, car cela me rappelle la cuisine, un des lieux de vie importants dans tout monastère. Vous le savez : lorsqu’on met trop de sel, ce n’est pas bon pour la santé, mais c’est aussi immangeable. Tout l’art, c’est de bien doser ! Réfléchir, c’est bien, mais pas trop, peut-être… sinon, on ne passe pas à l’action. « Qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! » Jésus conclut par cette sentence qu’il adresse en fait, à ses disciples de tous les temps, donc à nous aussi aujourd’hui.
Fr. Manuel Akamine
Lectures de la messe :
Sg 9, 13-18
Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc
Phm 9b-10.12-17
Lc 14, 25-33