Monition
L’évangile est une bonne nouvelle, mais il arrive qu’il soit difficile à entendre. Ce matin, il risque de blesser. Dans ce passage où Jésus parle du divorce et de l’adultère, il risque de retourner le couteau dans la plaie de plusieurs d’entre nous. Ce serait dommage que vous rentriez chez vous avec sur les épaules un poids plus lourd qu’à votre arrivée. Bien entendu, il ne nous appartient pas de dicter à Jésus ce qu’il doit nous dire, il nous faut sans doute accepter que sa parole, à l’occasion, nous dérange. Pour autant, nous ne devons pas oublier que le même Jésus, en d’autres circonstances, refuse de condamner une femme surprise en flagrant délit d’adultère et trouve le moyen d’empêcher qu’on lui jette la pierre. Au moment de l’eucharistie où nous avons coutume de nous abandonner à la miséricorde divine, il est bon de nous rappeler le verset du psaume : amour et vérité se rencontrent. Cela veut dire qu’il n’y a pas d’amour sans vérité, et aussi qu’il n’y a pas de vérité sans amour.
Homélie
Le jour de mon soixantième anniversaire, on lisait à l’eucharistie cette phrase de la lettre aux Hébreux : Le créateur et maître de tout voulait avoir une multitude de fils à conduire jusqu’à la gloire (He 2,10). C’était alors la traduction liturgique. À vrai dire, les mots créateur, maître et avoir ne sont pas dans le texte. La nouvelle traduction, qui vient d’être proclamée, préfère dire : « Celui pour qui et par qui tout existe voulait conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire… » C’est plus proche du texte, c’est peut-être, dans sa concision, un peu plus obscur. Toujours est-il qu’en lisant cette phrase, je me suis dit : si nous comprenions tout ce que cela veut dire et tout ce que cela implique, nous détiendrions les clefs de toute l’histoire de l’univers. Mais cela supposerait que nous saisissions vraiment ce que nous disons quand nous affirmons que Dieu est créateur, que nous puissions deviner ce qu’est la gloire et que nous mesurions tout ce qu’entraîne la volonté divine de nous y conduire.
Pour commencer à répondre à ces vastes questions, il faudrait beaucoup de temps et celui de l’homélie est compté. En simplifiant les choses, nous pouvons retenir que la gloire est dans la Bible un nom de notre Dieu. Dire que Dieu veut conduire ses fils et ses filles jusqu’à la gloire, c’est affirmer qu’il veut les conduire jusqu’à lui. Il nous destine à la pleine communion avec lui. Dieu est heureux parce qu’il est Trinité, parce qu’il est communion d’amour. Et son rêve, c’est d’élargir cette communion à la multitude. Il nous crée pour cela. Il ne suffit pas de croire, en effet, que Dieu désire notre bonheur. Il veut nous partager son bonheur. Il veut nous introduire dans sa propre joie. Et ce que dit la lettre aux Hébreux, c’est que toute l’histoire de la création est orientée vers cette unique fin.
Tout cela mériterait d’autres développements, mais j’en reste là, parce que la traduction allemande de l’évangile me pose problème, et que je voudrais attirer l’attention de ceux et celles qui le lisent dans cette langue.
Im Evangelium haben wir gehört, dass die Pharisäer Jesus eine Frage stellen. Und unsere Übersetzung erklärt : « Damit wollten sie ihm eine Falle stellen. » Der Ausdruck eine Falle stellen übersetzt ein Verb, das wir woanders im Evangelium finden, zum Beispiel wenn Jesus den Apostel Philippus fragt : « Wo sollen wir Brot kaufen, damit diese Leute zu essen haben ? » Dann übersetzen wir : « Das sagte er aber nur, um ihn auf die Probe zu stellen » (Joh 6,5-6). Wir schreiben nicht, dass Jesus eine Falle stellt ! Es ist jedoch dasselbe Wort im Text. Luther übersetzte es immer « versuchen ». Das war ehrlich, aber vielleicht zweideutig. Unsere Übersetzung, von ihrer Seite aus, scheint voreingenommen, parteiisch. Wenn Jesus es tut, das ist um zu prüfen ; wenn die Pharisäer genau dasselbe tun, das ist um eine Falle zu stellen. Das ist ein Vorurteil ! Unser gute Jesus kann natürlich keine Falle stellen. Die Pharisäer, unserem Vorurteil nach, können nur in schlechter Absicht handeln. In unserem Mund ist das Wort Pharisäer spontan pejorativ. Bitte aufpassen !
Das Evangelium sagt das nicht. Die Pharisäer stellen eine Probe, denn die Juden suchen gewöhnlich die Wahrheit auf diese Weise. Es ist ein Vertrauensbeweis. Das heißt : deine Meinung kann interessant sein und wird meine eigene Überlegung reicher machen. Was meinst du ? Ich bekomme deine Antwort wie ein Geschenk. Es gibt ja Fragen, die Fallen sind, und dann durchschaut Jesus die Heuchelei (Mk 12,15). Aber Jesus begegnet auch – und meistens – Gesprächspartnern, die günstig sind. Und wenn wir das Evangelium lesen und verstehen wollen, ist es im Allgemeinen besser, auf die Personen der Erzählung wohlwollend zu blicken. Oft gewinnen wir damit.
Traduction :
Dans l’évangile, nous avons entendu que les Pharisiens posent une question à Jésus. Et notre traduction [il s’agit de la traduction œcuménique allemande, qui sert aussi de traduction officielle pour la liturgie] ajoute : « Ils voulaient ainsi lui tendre un piège. » L’expression tendre un piège traduit un verbe que nous trouvons ailleurs dans l’évangile, par exemple quand Jésus demande à l’apôtre Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain, pour que ces gens aient à manger ? » Alors, nous traduisons : « Mais il disait seulement cela pour le mettre à l’épreuve » (Jn 6, 5-6). Nous n’écrivons pas que Jésus tend un piège ! C’est pourtant le même mot dans le texte. Luther le traduisait toujours versuchen. C’était honnête, mais peut-être ambigu [le mot allemand peut avoir les diverses significations du verbe tenter]. Notre traduction, de son côté, semble tendancieuse, partiale. Quand Jésus le fait, c’est pour mettre à l’épreuve ; quand les Pharisiens font exactement la même chose, c’est pour tendre un piège. C’est un préjugé ! Notre bon Jésus ne peut naturellement pas tendre un piège. Les Pharisiens, d’après notre préjugé, peuvent seulement agir avec de mauvaises intentions. Dans notre bouche, le mot Pharisien est spontanément péjoratif. Attention !
L’évangile ne dit pas cela. Les Pharisiens mettent à l’épreuve, parce que les Juifs cherchent ordinairement la vérité de cette façon. C’est une marque de confiance. Cela veut dire : ton opinion peut être intéressante et enrichira ma propre réflexion. Que penses-tu ? Je reçois ta réponse comme un cadeau. Il y a de fait des questions qui sont des pièges, et alors Jésus décèle l’hypocrisie (Mc 12, 15). Mais Jésus rencontre aussi – et le plus souvent – des interlocuteurs qui sont favorables. Et quand nous lisons l’évangile et voulons le comprendre, il est en général préférable de regarder les personnages du récit avec bienveillance. Nous y gagnons souvent.
Fr. François Dehotte
Lectures de la messe :
Gn 2, 18-24
Ps 127 (128), 1-2, 3, 4-6
He 2, 9-11
Mc 10, 2-16