La péricope de l’évangile que nous venons d’entendre, fait partie des enseignements, des signes et des prodiges de Jésus, lors de sa troisième montée à Jérusalem, d’après notre guide, l’évangéliste saint Jean. C’était la fête des cabanes, « soukkot », c’était l’automne, le moment de la vendange, avec la joie qui en découle. Jésus rencontre une femme prise en flagrant délit d’adultère. Tout de suite après, lui, la lumière du monde, rendra la vue à un aveugle de naissance. La tension monte entre lui et ses adversaires, qui deviennent de plus en plus agressifs. Ils cherchent à le mettre à l’épreuve, à le faire arrêter, à le faire mourir.
Il y avait, parmi les chefs et les prêtres, un disciple qui suivait Jésus en secret : Nicodème. Il essayait de défendre Jésus en disant au Conseil : « Notre loi permet-elle de juger un homme sans l’entendre d’abord, pour savoir ce qu’il a fait ? » Jésus était conscient du danger. C’est pour cela qu’il passait les nuits quelque part, sur le mont des oliviers, où il se cachait. Mais, dès l’aurore, il retournait au temple pour enseigner, nous confie saint Jean.
C’est dans ce contexte, et comme pour désamorcer la tension, que Jésus raconte la parabole du bon pasteur. Ce thème célèbre s’inscrit dans la lignée de la tradition biblique où les images du pasteur, du berger et de l’agneau sont fort présentes et traversent toute la Bible, depuis le livre de la Genèse -Abel était berger et avait un troupeau…- jusqu’au livre de l’Apocalypse, où l’Agneau immolé tient une belle place. Abraham, Moïse, Jacob, David, Amos et tant d’autres, connaissaient l’art de l’élevage des brebis. Jésus, notre Seigneur, est né dans une étable… Il sentait donc la brebis !
Notre parabole nous présente deux images lourdes de sens : La porte et le pasteur. Mais J’aimerais bien également, en passant, attirer votre attention sur un personnage de la parabole, qui passe quelque peu inaperçu. C’est le portier, qui ouvre la porte au pasteur, et c’est à ce moment que les brebis entendent sa voix. Notons que, comme tous les récits de ce type, la parabole dit Dieu et ne le dit pas. La mention du portier est peut-être un clin d’œil de Jésus pour faire allusion discrètement à son Père ainsi qu’à l’Esprit Saint, qui nous donne d’écouter et de comprendre la voix du pasteur. Chez nous, ici au monastère, c’est plus clair : le portier s’appelle « Frère Marc »…
La symbolique de la porte nous introduit à une méditation plus profonde, car la porte sépare le dehors et le dedans, et marque le passage entre le connu et l’inconnu. La porte est aussi un symbole biblique important de la relation, car elle est une ouverture vers l’autre, vers la personne qui vient à la porte, ainsi que vers ce tout autre qui est Dieu. Dans toute relation, il faut ouvrir la porte de notre cœur.
Oser franchir la porte, c’est dire « oui » à un appel, un appel qu’il nous faut découvrir, un appel à sortir et à s’engager sur le chemin qui mène à l’autre. Ouvrir la porte pour voir ou pour entrevoir l’autre soi-même, le vrai. Mais pour cela, il faut être guéri, c’est comme un passage des ténèbres à la lumière, comme l’aveugle-né à qui Jésus a donné la vue.
Notre parabole nous dit enfin que le berger connaît chacune de ses brebis par son nom. Le nom, dans la tradition biblique, dit la personne. Dieu nous connaît, chacun et chacune, par notre nom. Sans cette connaissance, nous serait-il possible de franchir la porte du bercail ?
L’enclos est là pour protéger les brebis des bandits et des voleurs. La porte sert à entrer et à sortir. Quand les brebis sont dehors, le pasteur est avec elles et marche à leur tête, comme dans l’Exode, où la colonne de nuée précède le peuple pendant le jour, devenant colonne de feu pendant la nuit. Le Seigneur nous accompagne sur nos chemins de vie.
L’image de l’agneau de notre parabole, n’est pas du tout celle du mouton suiveur, perdu dans la masse anonyme. C’est plutôt le symbole de la proximité, de la confiance, de la liberté, d’une certaine connivence, car les brebis connaissent la voix du pasteur.
Demandons au Seigneur la grâce d’entendre et de reconnaître sa voix qui nous parle au cœur des Ecritures. Ce temps pascal nous invite à nous lever, à franchir la porte, nous ouvrir à l’éveil pour suivre Jésus, lui qui est « la vérité, le chemin et la vie », le seul qui nous connaît véritablement par notre nom.
Traversons la porte qui nous conduit aux verts pâturages, à l’aliment spirituel nécessaire pour continuer le chemin, pour aller à la rencontre du bien-aimé, comme dans le Cantique des Cantiques : chemin d’ouverture, chemin de conversion. Mais tout chemin de conversion, n’est-il pas une histoire d’amour
Fr. Manuel Akamine
Lectures de la messe :
Ac 2, 14a.36-41
Ps 22
1 P 2, 20b-25
Jn 10, 1-10