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Métanoïa dans l’esprit et le feu (Lc 3 10-18)

Chers sœurs et frères, bonjour,

Il y a trois jours, j’étais en route avec ma collègue Julie. Elle est bouddhiste. Nous rentrions de la formation Emoena à propos de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux.

En chemin, elle m’a raconté ceci :

Je me suis rendue à la prison de Forest car j’avais rendez-vous avec un client musulman. (Julie, en effet est avocate au barreau de Bruxelles.)

Pénétrer dans la prison et gagner le local où se trouvait mon client ne fut pas simple. Une porte ne s’ouvre que si la précédente est fermée et verrouillée par un gardien qui en possède la clé, différente à chaque fois. On se sent alors isolé, coupé du monde.

Avant de voir mon client, j’ai rencontré l’aumônière catholique de la prison. Elle m’a informée que mon client était transféré dans le quartier des soins car il était en grève de la faim depuis 10 jours. Elle a encore ajouté que c’était bien que je sois là.

Alors, passé la porte de la chambre-cellule de mon client à l’infirmerie, j’ai vu un homme tout maigre, sale avec une longue barbe. Mon cœur fut pris de compassion. Je me suis tournée vers lui et je lui ai dit : « Vous devez m’aider, vous devez manger et boire. » Ensuite, je l’ai quitté avec un sentiment de défaite. Je n’ai pas réussi à faire grand-chose. Deux semaines plus tard, je suis retournée à la prison et je l’ai revu. Quel changement cette fois-ci ! Le petit monsieur s’était rasé, il avait mangé et bu et ses vêtements étaient propres. Et nous avons pu parler de son dossier pour faire avancer sa cause.

En écoutant Julie, la compassion m’a envahi, moi aussi.

Pourquoi croyez-vous que je vous raconte cette histoire ?

A grands pas, voici que nous sommes entrés dans le temps liturgique de l’Avent, une période qui était autrefois marquée par un carême pour préparer la naissance de Jésus, un temps de réflexion et d’anticipation. Un temps de silence et de rencontre avec le Seigneur au plus profond de nous-mêmes, comme dirait Maitre Eckhart, un théologien du début du XIVe siècle. Un moment pour s’abstraire de l’agitation, de l’effervescence des magasins et de ses tentations.

Dans l’évangile que nous venons d’entendre, Jean le Baptiste annonce la naissance du Messie. Le message de Jean (v. 3) est introduit par le verbe kèryssô (comme le ‘kérygme’) qui veut dire annoncer, proclamer.

Jean Baptiste indique la venue du Christ. Il concrétise son propos par l’immersion dans l’eau et il annonce le baptême de Jésus dans l’Esprit-Saint et dans le feu. L’un précède l’autre et semble y préparer. « Moi, je vous baptise dans l’eau. Mais vient un plus grand que moi : je ne suis pas digne de délier le cordon de ses sandales. Lui-même vous plongera dans le souffle de sainteté et le feu. » (Lc 3, 16 a) Les disciples se situent précisément entre le baptême dans l’eau de Jean le Baptiste et le baptême du Christ dans l’Esprit et dans le feu.

Le baptême au nom du Dieu trinitaire est le sacrement d’initiation que Jésus a lui-même instauré. Mais quel est ce baptême dans l’Esprit ? Nicodème pose cette question dans l’évangile selon Jean. La métanoïa ou « changement de pensée » c’est-à-dire le retournement complet de l’homme vers Dieu, ouvre la porte à une nouvelle naissance. C’est précisément Jean le Baptiste qui nous aide à entrer dans cette voie de « métanoïa ». Il crie le nom du Seigneur, et en même temps, il se retire, il se tient volontairement en retrait. Il s’efface devant le roi venu dans une mangeoire.

La période de l’Avent nous donne aussi le temps de mûrir pour accepter notre réalité et pour grandir dans la foi. Je ne sais pas chez vous, mais chez mes parents en Allemagne, ma mère attachait toujours une importance primordiale à décorer la maison de ses plus belles couleurs et ornements. Mon père sortait son meilleur vin et la nourriture était succulente. Le jour de Noël, tout était prêt pour recevoir l’invité tant attendu, le roi de gloire.

Enfin, se pose la question : pour qui est-ce que je suis un annonciateur, un précurseur, un témoin, pour montrer la venue du Seigneur ? Que nous y pensions ou non, nous avons tous la « possibilité de préparer les chemins du Seigneur ». Qu’il s’agisse de situations banales ou d’actions plus remarquables, nous sommes amenés à être des témoins qui rendent crédibles que Dieu est Amour. Rendre crédible, c’est la tâche du croyant. Il n’a pas à être croyant pour lui-même, mais à porter témoignage afin de « préparer » l’autre à recevoir le don ou la grâce. Quelle grâce ? La grâce que l’Incarnation est une réalité. Que l’infini mystérieux de Dieu vient dans l’infini minuscule d’un bébé qui naît. Mais si le rôle du croyant est de rendre crédible que Dieu est Amour, il faut ajouter que tant qu’il y aura la misère, la pauvreté et la souffrance, il faudra encore s’investir et agir à fond. C’est ce que ma collègue bouddhiste a fait.

Ce pain de l’eucharistie, que nous allons partager dans un instant, creuse notre faim d’éternité. Dieu n’est pas attendu ailleurs que dans la trame des vies qui sont les nôtres. C’est « en toute chose », disait saint Ignace, « qu’il nous faut le trouver.» … Aussi dans mes frères et sœurs d’autres confessions. Il y a 2000 ans que Jean Baptiste nous précède et nous montre l’exemple à suivre : choisir le chemin du Seigneur. Osons-nous le suivre ?

Birte Marianne Day

Lectures de la messe :
Ba 5, 1-9
Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6
Ph 1, 4-6.8-11
Lc 3, 1-6

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