Chers frères et sœurs,
Comment parler de l’événement mystérieux de la Pentecôte et du don de l’Esprit–Saint, sinon en utilisant des images ! Et saint Luc a privilégié le symbole du feu, quand il écrit: « Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Alors ils furent remplis de l’Esprit–Saint.«
Quelle magnifique image! Tous ont reçu le même Esprit, nous dit saint Paul, mais de façon différente pour chacun : « les dons de la grâce sont variés mais c’est toujours le même Esprit« . L’Esprit divin crée la communion entre les humains, non en supprimant les différences mais au contraire en les préservant et en les valorisant. L’Esprit–Saint réalise l’unité du fait que tous entendent la même
parole de Dieu, mais il s’agit d’une communion qui n’annule pas les particularités, puisque chacun entend dans sa propre langue. Aujourd’hui, c’est une tâche et une mission encore plus urgentes pour l’Église et nos communautés : réaliser la communion avec des personnes d’origine, de culture et de tradition différentes.
L’image du feu reste très parlante dans le contexte d’aujourd’hui où notre monde et notre Église connaissent des heures difficiles. Nous avons l’impression que l’enthousiasme de la Pentecôte et de la première communauté chrétienne est bien loin et que l’Esprit ne souffle plus, ou bien peu, sur notre humanité fort bousculée ces derniers temps.
À ce propos, je me rappelle l’histoire que me racontait un jour un moine brésilien.
Dans une paroisse populaire de Recife, le prêtre dialoguait avec l’assemblée. « Pour vous, qu’est–ce que le Saint–Esprit?« Certains répondaient: c’est la troisième personne de la Trinité ou d’autres réponses conformes au catéchisme. Puis tout à coup une femme âgée et très pauvre se lève et raconte: « J’habite à l’extrémité de la ville dans une baraque à côté du dépôt d’ordures de la ville. Les ordures brûlent non
d’un feu très visible, mais d’un feu qui se consume très lentement. Le matin quand les camions viennent décharger les ordures, on croit que le feu est étouffé mais, peu après, on voit de nouveau un peu partout de la fumée qui sort. Certaines nuits, il y a beaucoup de pluie et on pense que le feu est éteint. Mais, quelques heures plus tard, quand le soleil réchauffe le sol, on voit de nouveau de la fumée qui sort du grand tas d’immondice. Pour moi, le Saint–Esprit, c’est comme un feu qui couve en dessous d’un grand tas d’ordures.«
Il est vrai que la comparaison avec un tas d’ordure n’est pas très jolie ni flatteuse, mais il faut bien reconnaître qu’il y a beaucoup de choses sales qui se passent dans notre monde et qu’il y a encore beaucoup de choses à purifier dans la vie de l’Église et aussi dans nos vies personnelles. Mais ce qu’il faut retenir de cette petite histoire, c’est que rien ne peut jamais éteindre tout à fait la flamme de l’Esprit–Saint et qu’il faut parfois peu de choses pour la ranimer. Il est très important pour nous chrétiens d’y croire et de regarder les évènements et les situations avec ce regard de foi en la
présence, d’une flamme divine au cœur de chaque personne, même si cette flamme paraît éteinte. Car il suffit parfois de très peu pour la ranimer et faire refleurir l’amour.
Tant de personnes ignorent qu’elles sont porteuses de cette flamme divine. Le jour de la Pentecôte, personne ne pouvait voir sa propre langue de feu. Chacun des apôtres pouvait voir la flamme de feu posée sur ses frères, mais non la sienne. Ceci est très significatif. Nous avons besoin les uns des autres pour nous révéler que nous avons reçu cette flamme d’amour et pour nous dire que nous
aussi sommes porteurs de l’Esprit. Il est souvent nécessaire qu’un autre nous aide à découvrir notre lumière intérieure et nous révèle que, même à notre insu, notre vie peut rayonner. C’est pourquoi il est si important de nous dire mutuellement, combien l’amour peut passer à travers un simple geste ou une petite attention, à travers notre manière de parler et de sourire. Nous n’en sommes
sans doute pas conscients, alors que les autres s’en aperçoivent. C’est un beau service que de refléter aux autres les merveilles que Dieu réalise dans leur propre vie, dans celle de leur famille ou de leur communauté.
Peut–être, serait–ce d’abord cela la mission de porter la Bonne Nouvelle que nous avons reçue à la Pentecôte ? Découvrir et mettre en lumière les traces du feu de l’Esprit–Saint qui couve dans l’existence de ceux qui nous entourent ou qui nous visitent.
Fr. Bernard de Briey
Lectures de la messe :
Ac 2, 1–11
Ps 103
Rm 8, 8–17
Jn 14, 15–16.23b–26