Qu’est-ce qui est le plus important dans la vie ?
La question posée à Jésus dans l’évangile me rappelle la rencontre du pape François avec les jeunes du Chili l’année dernière. « J’ai demandé à un jeune, disait-il : quand est-ce que tu es triste ? Il m’a répondu : quand je ne suis pas connecté. Eh bien, pour être heureux, soyez connectés à Jésus ».
Comment être connecté à Jésus ? Quelle est l’attitude essentielle du chrétien, quel comportement Dieu attend-il de l’homme ? – tel est bien le sens de la question du scribe, qui risque de se perdre dans le fouillis des 613 prescriptions de la Loi juive. Son intervention rejoint tout compte fait des questions très actuelles, dans un monde où on ne sait trop quel crédit apporter au flot de paroles et de messages de toutes sortes déversés quotidiennement par une multitude de médias : à quoi et à qui peut-on se fier ?
Une première réponse de la Bible est donnée dans le ‘shema Israël’ rappelé par la première lecture de ce jour. C’est la première prière que tout Juif est censé apprendre : écoute Israël ! Écouter Dieu, le Dieu unique, référence ultime et première tout à la fois. Il est instructif à cet égard de noter les verbes employés par le texte pour qualifier la relation du croyant avec Dieu : « tu craindras le Seigneur ton Dieu, tu observeras ses décrets, tu veilleras à mettre en pratique… tu aimeras le Seigneur ». Remarquez la progression : de ‘craindre’ à ‘aimer’. Instructif aussi le psaume 118, où chaque verset comporte un mot désignant la Parole de Dieu : ta loi, tes exigences, ta parole, tes décisions, ta promesse, tes préceptes… La question du scribe est donc tout-à-fait pertinente. Si l’on prend Dieu au sérieux, il va de soi qu’on s’efforce de suivre ses préceptes.
Mais comment s’y retrouver dans les multiples obligations de cette loi, d’autant plus qu’elle touchait tous les domaines de la vie jusque dans les plus petits détails… Il n’y a pas si longtemps, notre tradition catholique voulait aussi régenter tous les aspects de la vie, en insistant notamment sur la pureté sexuelle, les mortifications du carême et l’abstinence de viande le vendredi. A l’époque de Jésus, c’était la pureté rituelle et le respect du sabbat. Or le Christ n’a cessé de dire que le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat, et selon lui, ce qui rend l’homme impur c’est ce qui sort de son cœur et qui fait du tort à autrui.
Dans sa réponse au scribe, le Seigneur n’invente rien. Il répète simplement ce que tout Juif connaît par cœur : aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme et de toute sa force. Jésus ajoute « de tout son esprit », pour souligner que c’est toute la personne dans toutes ses dimensions qui est appelée à l’amour du Dieu unique. Mais surtout, il y associe l’amour du prochain. Comme soi-même. « Aimer, c’est considérer l’autre comme autant existant que soi » disait Marc Oraison. Jésus unit intimement amour du prochain et amour de Dieu. IL éclaire ainsi la recherche de l’homme soucieux d’obéir à Dieu. Voilà qu’il n’y a plus un premier… mais deux premiers commandements !
Le Dieu unique s’est en effet révélé à Israël. Mais il ne suffit pas de répéter ‘écoute Israël, il n’y a qu’un seul Dieu’. Le Christ montre ici à ceux qui l’écoutent jusqu’où va la fidélité à la parole de Dieu ; et au scribe qui l’approuve, il annonce « tu n’es pas loin du royaume de Dieu ». Cet homme avait compris le nœud de la prédication et de l’action de Jésus. Saint Jean aussi l’avait compris quand il écrit que celui qui prétend aimer Dieu qu’il ne voit pas sans aimer son frère qu’il voit est un menteur…
Et nous, disciples du Christ aujourd’hui, l’avons-nous bien compris ? Des questions comparables à celles du scribe nous sont posées par nos contemporains. Des gens de bonne volonté ont pris distance par rapport à l’Église, à ses doctrines et à ses pratiques. Ils n’en cherchent pas moins un essentiel qui donne sens à leur vie. A nous d’éclairer leur chemin par une fidélité sans faille au Dieu unique – il y a tant de fausses idoles conduisant à des chemins sans issue. La vérité de la Parole de Dieu et notre volonté de la suivre se traduiront dans notre attitude à l’égard du prochain. Ainsi nous resterons connectés à Jésus.
Abbé René Rouschop
Lectures de la messe :
Dt 6, 2-6
Ps 17 (18), 2-3, 4, 47.51ab
He 7, 23-28
Mc 12, 28b-34