La bienveillance divine
Dimanche dernier, Jésus racontait une histoire, mettant en scène un pharisien et un publicain. Aujourd’hui, il rencontre réellement un collecteur d’impôts – serait-ce le même ? Celui-ci cependant est chef des collecteurs d’impôts, c’est donc un homme important, et l’évangile prend la peine d’ajouter que c’était quelqu’un de riche. Sans doute grâce aux sous qu’il pompait pour l’occupant et dont il mettait une bonne partie dans sa poche … Son nom est Zachée, ce qui veut dire « pur » en hébreu. L’évangile ne manque pas d’humour, car saint Luc nous a déjà seriné que le Royaume de Dieu est pour les pauvres, qu’il est plus difficile à un riche d’entrer dans ce Royaume qu’à un chameau de passer par un trou d’aiguille, etc. Mais voilà : bien qu’il soit riche, Zachée est de petite taille. Petite taille physique, puisqu’il va monter sur un arbre pour voir Jésus, petit socialement et moralement car les collecteurs d’impôts collaborateurs des Romains étaient particulièrement mal vus du peuple, et justement il voudrait ne pas être vu … Il va pourtant être libéré de toutes ces infériorités, grâce au passage de Jésus par Jéricho. Jadis, Jéricho avait été pour les Hébreux la porte d’entrée vers la Terre promise, la terre de la liberté. Zachée, il ne le sait pas encore, va trouver le chemin de la vraie liberté.
Il va faire l’expérience de la bienveillance divine, il va découvrir que la bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse pour toutes ses œuvres (comme nous l’avons chanté avec le psaume), et il sera transformé. Comment cela se passe-t-il ?
Rencontre bouleversante
Jésus traverse la ville, et Zachée est au courant. Il a beaucoup de contacts, il a entendu parler de cet homme étonnant. « Il cherchait à voir qui était Jésus », nous dit le texte. Ce n’est pas une simple curiosité, c’est un peu plus que cela : qui est vraiment cet homme dont on parle tant ? Le publicain va se tenir à l’écart de la foule, comme celui de dimanche dernier dans sa prière au fond du temple. Il grimpe sur un sycomore, un grand figuier qui lui permettra de voir sans être vu. Or c’est Jésus qui le voit le premier et lui adresse la parole : « il faut que j’aille demeurer dans ta maison ». Regard de tendresse et parole de délivrance pour quelqu’un qui se sait marginalisé. « Maître qui aimes les vivants, disait le livre de la Sagesse, tu aimes tout ce qui existe, tu épargnes tous les êtres puisqu’ils sont à toi ». Voilà qui est Jésus : le visage visible du Père miséricordieux.
L’autre est subjugué, et le récit tout-à-coup s’accélère. Vite Zachée descend, il reçoit Jésus avec joie, il va donner la moitié de ses biens aux pauvres et rembourser quatre fois ce qu’il a volé.
Un troisième acteur survient dans cette rencontre : la foule. Elle représente bien une certaine opinion publique, qui se satisfait de rumeurs et d’appréciations superficielles. « Il est allé loger chez un pécheur ». Scandale ! Ils n’ont pas compris que le Christ est venu chercher et sauver ce qui était perdu. « Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison », insiste Jésus. Une vingtaine d’années plus tard, les tout jeunes chrétiens de Thessalonique seront inquiets à propos du retour du Seigneur, et saint Paul devra les rassurer et les appeler à la confiance et à l’action. Le jour du Seigneur, pour eux comme pour nous, c’est aujourd’hui.
Le jour du Seigneur
En ce jour, nous sommes venus voir Jésus. Quand la messe commence, on nous redit qu’il nous aime tels que nous sommes, avec nos petitesses et nos richesses, avec notre péché et notre désir de le rencontrer. Le Seigneur passe et il nous regarde avec tendresse, il nous adresse une parole qui nous interpelle. Il vient demeurer chez nous dans l’eucharistie. Il suscite notre joie et notre action de grâce. Il nous délivre, comme Zachée, des biens auxquels nous tenons trop et qui entravent notre marche vers la liberté.
L’aventure de ce chef des impôts n’est pas une parabole. Ce n’est pas un simple récit du passé. C’est notre histoire et notre eucharistie aujourd’hui.
Lectures de la messe :
Sg 11, 22 – 12, 2
Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14
2 Th 1, 11 – 2, 2
Lc 19, 1-10