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 » Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète. »

Une femme de qualité vivait un bonheur relatif en sécurité parmi les siens, ayant des ressources en suffisance et un mari qui dirigeait une équipe de moissonneurs. Pourtant, comme tout humain, elle butait sur certaines questions existentielles: la stérilité de son couple et la perspective de la mort: celle de son mari qui était déjà âgé et la sienne propre alors qu’elle n’avait pas accompli son désir profond sur cette terre.

Plutôt que la résignation ou une acceptation un peu fataliste, cette femme est à l’affût de signes et sa recherche l’amène bien vite à reconnaître les traces du Dieu qui est la Vie par excellence: Le Seigneur. Elle le reconnaît sa présence à travers cet homme qui passe, Elisée, à qui elle offre non seulement l’hospitalité, mais aussi un lieu de retraite. D’une certaine manière, elle lui donne la place qu’elle aurait donné au fils qu’elle n’a jamais eu: une petite chambre avec des murs, un lit, une table, un siège et une lampe: autant d’éléments de la vie quotidienne qui résonnent au niveau spirituel: le repos en Dieu, l’autel, l’étude de la parole et l’illumination de son interprétation.  » Quand il viendra chez nous, il se retirera là. » Création d’un lien, mais aussi acceptation d’une distance, d’une attente. Cette femme ne s’enferme pas dans son petit monde. Elle s’ouvre à l’accueil de celui qui passe, et par là elle suscite et entretient une espérance. Et contre toute attente, alors qu’elle n’avait en rien révélé son désir ni son manque, voilà que le prophète lui promet un enfant pour l’année à venir. Dans la crainte d’une désillusion et n’osant y croire, elle entendit cette parole:  » A cette saison, l’an prochain, tu tiendras un fils dans tes bras. » Elle ne savait pas alors ( et c’est la suite du texte) que quelques années plus tard elle le tiendrait sur ses genoux pour le voir rendre l’âme…

A tous les coups, la mort se présente à l’homme comme une impasse et un couperet. Mais cette femme se souvient que c’était vers le haut qu’elle avait tourné son regard, la chambre haute où elle dépose la dépouille de son fils.  » Il n’y a d’issue que vers le haut », mais dans l’acceptation de nos morts successives, à travers lesquelles nous sommes régénérés en une respiration nouvelle, inattendue et vivifiante. La spiritualité de cette femme est alors confrontée à la dureté du réel: elle reçoit une récompense de prophète. Elle espère contre toute espérance dans la douleur et l’épreuve. Mais elle ne lâche pas prise.

Comme la Shunamite, la vierge Marie ne savait pas trop comment sa destinée de femme allait s’accomplir, mais elle fit confiance dans le Nom du Seigneur qu’elle désirait servir de tout son cœur. Elle mit au monde l’enfant qu’il lui avait été promis; elle l’aima, elle l’éduqua, le servit, le vit partir, l’écouta et le suivit jusqu’à le voir mort sur ses genoux, comme la Shunamite.

Mais la mort de Jésus est le lieu de compréhension de toute mort car elle est le lieu du baptême: ce lieu où Jésus nous donne de laisser aller tout ce qui, en nous, n’est pas de l’ordre de la vie, ce lieu où nous pouvons accéder à une vie nouvelle grâce à sa Résurrection. La croix nous libère de tout ce qui nous maintenait dans la fermeture, la convoitise, le refus de l’autre, la ténèbre et la mort: tout cela est brisé pour nous faire vivre une vie à Dieu avec le Christ qui nous donne accès à une fraternité infinie.

Une famille en Dieu, possible parce que l’on a renoncé à nos attachements fusionnels, à nos velléités de posséder l’autre, de vivre une relation exclusive ou dominatrice.  » Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive » dira celui qui sépare pour que chacun soit lui-même en face de l’autre dans la liberté nécessaire à une alliance… Jésus ne supporte pas les relations qui sont des prisons psychologiques et pourtant il voit tout amour comme capable d’aller plus loin. Aimer ses parents, son époux, ses enfants plus que la source de la vie, c’est entrer dans une impasse où la mort nous attend. L’amour ne suffit pas; il doit toujours être tiré du côté de la vie: vers la chambre haute de la vraie rencontre.

Frère Renaud Thon

Lectures de la messe :
2 R 4, 8-11.14-16a
Ps 88 (89), 2-3, 16-17, 18-19
Rm 6, 3-4.8-11
Mt 10, 37-42

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