C’est le premier jour de la semaine, le moment de l’aurore, alors que le jour commence à poindre. Tout a saveur de commencement. C’est le jaillissement d’une création nouvelle : « Voici que je fais toutes choses nouvelles ». Christ est ressuscité ! Une annonce qui a bouleversé l’Histoire. Et pourtant, quelle sobriété du récit, quelle discrétion de Dieu ! Pas de manifestation spectaculaire. Jésus ne s’est pas montré en gloire, de façon triomphante, au sommet du temple de Jérusalem ou en haut du Mont Thabor. Il s’est manifesté d’une manière discrète et à très peu de monde. Et la Bonne Nouvelle s’est propagée de bouche à oreille, de personne à personne, a couru de l’une à l’autre à partir du témoignage d’une rencontre personnelle avec le ressuscité.
Comme Marie-Madeleine, comme Pierre et l’autre disciple, nous avons à nous communiquer et à nous transmettre la Bonne Nouvelle de Pâques, à proclamer qu’il ne faut pas chercher parmi les morts celui qui est vivant : Christ est ressuscité comme se chuchotent les orthodoxes en se saluant le matin de Pâques. Il ne suffit pourtant pas de proclamer : Christ est ressuscité. La manière véritablement crédible de transmettre la bonne nouvelle de Pâques, c’est par le témoignage de notre vie, un témoignage personnel mais aussi un témoignage communautaire, par nos engagements pour faire en sorte que partout la vie soit plus forte que la mort, que l’amour et le partage l’emportent sur l’injustice et la violence.
Mais, comment pouvons-nous être des témoins contagieux du message de vie et d’espérance de Pâques ? L’évangile que nous venons d’entendre nous donnent quelques pistes.
Il y a d’abord la ferveur. Tout le monde courre en ce matin de Pâques. Mais ce n’est pas une compétition pour être le premier ou le meilleur. C’est une course pleine de prévenance, de sollicitude, d’empressement, d’urgence même. Et c’est vrai qu’on attend d’un disciple de Jésus qu’il agisse avec enthousiasme, qu’il vive sa foi sans tiédeur. Cette course de témoins annonce la course prochaine de la Parole à travers le monde. Un murmure joyeux se répand. Il s’agit d’une ferveur joyeuse. Jésus désire que ses disciples soient joyeux et répandent du bonheur. Rien ne sert de parler de la joie, celle-ci se répand par contagion. Puissent nos communautés, nos familles, notre Eglise être contagieuses de la joie de Pâques !
Être témoin du ressuscité suppose aussi la capacité de voir, et de voir avec les yeux de la foi. « Il vit et il crut ». Au matin de Pâques, le ressuscité n’a laissé que quelques indices : un linceul et des linges. Un regard de foi, un regard contemplatif est nécessaire pour interpréter ces signes. Et ce n’est pas le privilège des prêtres, ce n’est pas réservé aux seuls responsables de l’Eglise. Dans l’évangile ce n’est pas l’autorité, Simon-Pierre, mais l’autre disciple qui, le premier, a cru à partir des traces laissées dans le sépulcre. Il s’agit de regarder avec le cœur et souvent des gens simples sont plus aptes et rapides à voir et à reconnaître les signes de la Providence. « Il vit et il crut ». Le matin de Pâques, il s’agit de voir. Le verbe « voir » y est très présent, y compris pour parler des Ecritures. On dit des deux disciples que « jusque-là ils n’avaient pas compris les Ecritures » ou plus exactement, « ils ne l’avaient pas vu dans les Ecritures ». C’est la compréhension des Ecritures qui leur ouvre définitivement les yeux. C’est l’évangile qui nous enseigne à découvrir la présence du Ressuscité dans le visage du frère et à révéler à chacun le mystère de cette présence. Le premier matin de Pâques, il s’agissait de voir avec les yeux de la foi. Et nous ? Développons-nous ce regard de la foi, ce regard spirituel ? Sommes-nous ouverts à voir l’œuvre de Dieu dans nos vies et dans le monde ? Sommes-nous ouverts à ce qui est nouveau, aux surprises de l’Esprit de Dieu ?
Enfin, il faut le souligner : c’est le disciple que Jésus aimait qui voit. On a l’habitude de reconnaître dans ce disciple l’apôtre Jean mais en fait l’évangile ne le dit pas. Il parle intentionnellement du disciple que Jésus aimait pour que chacun, chacune d’entre nous puisse s’identifier à lui. Car en réalité Jésus nous aime tous d’une façon unique et privilégiée. Dans la mesure où nous nous savons aimer du Seigneur nous recevons cette capacité de voir au-delà des signes et de reconnaître comment il nous accompagne sur nos chemins. Nous le savons par expérience : si le regard fraternel et confiant que nous posons les uns sur les autres nous aide tellement sur notre route, combien plus le regard aimant de Jésus sur nous est-il vital. Etre conscient de ce regard d’amour peut tout changer. C’est un regard qui nous crée, qui nous recrée, qui nous relève chaque fois avec patience et tendresse.
Enfin, je ne peux m’empêcher de rappeler qu’on rencontrait déjà le disciple bien aimé au pied de la croix, à côté de Marie. Et il faut remarquer que c’est d’abord à sa mère que Jésus confie le disciple. Nous aurions pu nous attendre que Jésus dise, voyant sa mère seule avec sa douleur : « fils, voici ta mère, veille sur elle. » Mais c’est l’inverse : Jésus confie d’abord le disciple à sa mère, comme si c’était d’abord lui qui a besoin d’attention. Et c’est très justement que la Tradition y voit désormais la protection de chacun et chacune d’entre nous par Marie. Et c’est donc aussi parce que le disciple bien aimé, c’est à dire chacun d’entre nous, se sait aimé et protégé par Marie, qu’il peut voir des signes de résurrection en lui et autour de lui, et avoir un grand désir d’annoncer et de partager la joie de Pâques.
Fr. Bernard de Briey
Lectures de la messe :
Ac 10, 34a.37-43
Ps 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23
Col 3, 1-4
Jn 20, 1-9